PARIS, 21 janvier 2010 (APM) – L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) prône la mise en place d’un financement sur projets pour la recherche effectuée à l’hôpital, dans un rapport sur le financement des missions d’intérêt général (MIG) dans les établissements de santé, rédigé par Pierre-Louis Bras et Gilles Duhamel.
La mission Igas confirme le constat et les orientations évoqués en octobre 2009 par Pierre-Louis Bras lors du colloque sur les CHU organisé à Paris (cf dépêche APM ABMJL001).
L’enveloppe pour les missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovation (Merri) s’élevait à 2,462 milliards en 2008 soit 37,3% de l’enveloppe allouée aux missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (Migac), rappelle-t-elle.
Les auteurs déplorent le fait que rien ne garantisse actuellement que les sommes consacrées à l’enseignement et à la recherche correspondent effectivement à leurs coûts pour les établissements. Ils critiquent le mode de calcul choisi qui considère la recherche clinique comme une « charge proportionnelle aux dépenses de soins ». « Tous les médecins n’ont pas vocation à faire des recherches ou du moins avec la même intensité », observent-ils en soulignant que le socle fixe du financement ne devrait donc pas prendre en compte l’ensemble du corps médical.
« Il semble admis que la recherche clinique constitue un investissement stratégique ce qui devrait conduire à calibrer l’enveloppe qui lui est consacrée, non en fonction des dépenses de soins, mais en fonction des opportunités et donc des projets de recherche », observent Pierre-Louis Bras et Gilles Duhamel.
L’enveloppe allouée à l’enseignement et à la recherche clinique est fondée sur un calcul économétrique « frustre » réalisé en 1995 et représente « encore aujourd’hui environ 13% de l’enveloppe globale des dépenses des établissements assumant des fonctions d’enseignement et de recherche », explique la mission.
Elle relève néanmoins que des progrès ont été réalisés depuis 2008 sur la répartition de l’enveloppe recherche puisqu’elle dépend plus étroitement des études engagées ou des résultats mesurés à travers les publications (score Sigaps). Toutefois le financement en fonction des résultats est indépendant des coûts des projets de recherche, pourtant « certainement très variables », note-t-elle.
Pour l’Igas, « il n’en reste pas moins qu’une part significative de l’enveloppe reste indépendante de l’activité de recherche ou de ses résultats ».
De plus, « un établissement améliore sa situation financière s’il développe les soins mais la dégrade s’il développe la recherche », remarque-t-elle en soulignant que l’établissement est donc incité à orienter ses équipes vers la production de soins.
Avec ce modèle, les auteurs craignent que le développement de la recherche ne soit handicapé « si les préoccupations de retour à l’équilibre financier deviennent de plus en plus prégnantes, si le calcul économique interne se développe au sein des établissements – évolutions promues par ailleurs ».
Ils jugent « paradoxal que d’une part, la recherche soit considérée comme un investissement stratégique et que d’autre part, les établissements dégradent leur situation financière s’ils investissent dans la recherche ».
VERS UNE COUVERTURE INTEGRALE DES SURCOUTS
La mission recommande donc de faire évoluer progressivement le mode de financement de la recherche.
Elle préconise notamment de financer à leur coût les structures transversales supports de la recherche sous la réserve de leur évaluation régulière.
Quant aux surcoûts par rapport au processus « normal » de dispensation des soins induits par la recherche clinique, ils devraient être intégralement compensés aux établissements.
A cet effet, elle prône la mise en place d’un financement par projet qui permettrait « une évaluation préalable des surcoûts et leur financement intégral ». Ce modèle donnerait par ailleurs, « grâce à une évaluation préalable par les pairs, de meilleures garanties que les financements ne sont dirigés que vers des projets pertinents conduits par des équipes qui ont la capacité de les faire aboutir ».
La mission observe que le financement par projet aboutirait à écarter le financement au résultat matérialisé par l’indicateur Sigaps. Néanmoins elle suggère d’utiliser cet indicateur comme base d’un « mécanisme de bonus » visant à « l’émulation des équipes ». Dans cette perspective, les sommes attachées à cet indicateur devraient être recalibrées car un mécanisme de bonus exige beaucoup moins de fonds qu’un mécanisme de financement des surcoûts recherche, note-t-elle.
« Pour gérer les effets revenus, l’évolution du modèle actuel vers le modèle cible proposé doit bien évidemment être progressive et pourrait s’étaler sur environ six ans », précise le rapport.
« Il s’agirait d’augmenter progressivement la part des fonds relevant des Merri qui transitent par une procédure du type PHRC [programme hospitalier de recherche clinique] par diminution corrélative des crédits consacrés aux dotations du socle fixe ou de la part modulable », suggèrent les auteurs.
Au niveau macro-économique, l’enveloppe pourrait être constituée par sommation des surcoûts des projets pertinents, ce qui permettrait de calibrer l’investissement en recherche clinique en fonction des opportunités de recherche.
Les auteurs préconisent d’individualiser cette enveloppe, sur le modèle de celles consacrées au fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) ou au fonds de la qualité et de la coordination des soins (Fiqcs). Il leur semblerait en effet légitime que du fait de son caractère stratégique, le Parlement débatte d’une enveloppe recherche clinique, qui serait financée sur des ressources assurance maladie et non fongible avec d’autres enveloppes destinées à la recherche.
La mission Igas recommande par ailleurs de clarifier les conditions de financement des essais industriels.
ENSEIGNEMENT: UN FORFAIT PAR ETUDIANT ET INTERNE
S’agissant de l’enseignement, la mission a constaté que l’enveloppe enseignement/recherche n’avait pas évolué avec la progression de la charge d’enseignement. Ainsi, le numérus clausus a doublé depuis que la norme de 13% a été arrêtée.
La mission souligne également que les dotations aux établissements ne dépendent pas directement du nombre d’étudiants et d’internes formés.
Elle propose de constituer un « forfait par étudiant et interne modulé par leur ancienneté et par leur densité dans les services ». Elle reconnaît qu’il n’est pas possible d’objectiver de manière précise, le coût de l’interne ou de l’étudiant mais estime que ce forfait peut être construit par consensus.
Le financement de la recherche, de l’enseignement et des MIG dans les établissements de santé, Pierre-Louis Bras, Gilles Duhamel, Igas, novembre 2009, 77p, disponible sur: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000024/0000.pdf
cb/ab/APM polsan
CBNAL003 21/01/2010 18:41 ACTU