par Caren Bohan
WASHINGTON, 23 mars (Reuters) – Barack Obama a promulgué mardi la réforme historique de l’assurance-maladie aux Etats-Unis après des mois d’une farouche bataille politique.
Le président américain a apposé sa signature sur cette législation adoptée dimanche à une courte majorité par la Chambre des représentants lors d’une cérémonie à la Maison blanche en présence de parlementaires démocrates.
« Aujourd’hui, après pratiquement un siècle de tentatives, aujourd’hui, après plus d’une année de débats, aujourd’hui, après tous les votes nécessaires, la réforme de l’assurance-santé devient une loi des Etats-Unis », a-t-il déclaré solennellement dans l' »East Room », pleine à craquer. « Je promulgue cette loi au nom de ma mère, qui s’est battue avec les compagnies d’assurance alors qu’elle luttait contre le cancer à la fin de sa vie », a ajouté le président américain, saluant une « réussite extraordinaire ».
« Nous avons gravé le principe essentiel selon lequel chacun devrait jouir d’une sécurité minimale lorsqu’il s’agit de sa couverture maladie. » Après la signature, Barack Obama devait participer à une cérémonie de lancement d’une vaste campagne publicitaire visant à vanter les mérites de la réforme qui suscite perplexité et ignorance au sein de la population. La réforme de la santé, aboutissement de dix mois d’âpres tractations au Congrès qui ont écorné sa cote de popularité, est une victoire majeure pour Barack Obama qui en avait fait un des chantiers prioritaires de son mandat.
RÉFORME SANS PRÉCÉDENT
Les collaborateurs du président ont parlé d’atmosphère euphorique dimanche à la Maison blanche après l’adoption, par 219 voix contre 212, de ce texte de loi qui permet d’élargir la couverture de l’assurance-maladie à quelque 32 millions de personnes qui n’en bénéficiaient pas. La réforme interdira aussi aux compagnies d’assurance de refuser de couvrir les personnes considérées à risques. Le président américain a mis sa réputation dans la balance et reporté un voyage en Indonésie et en Australie pour consacrer tous ses efforts à ce vote décisif.
L’énergie dépensée par Obama sur ce dossier a créé des tensions au sein même du Parti démocrate, certains jugeant que ce problème complexe prenait trop de place face au besoin de redresser l’économie et de créer des emplois. Mais Barack Obama peut aujourd’hui porter à son actif une réalisation d’envergure, sans précédent depuis 45 ans en matière de santé publique aux Etats-Unis, alors même que ses adversaires moquaient un bilan plutôt maigre 14 mois après son arrivée au pouvoir, le 20 janvier 2009.
QUELLES CONSÉQUENCES EN NOVEMBRE ?
Cette victoire pourrait cependant avoir un prix. L’opinion a réservé un accueil pour le moins mitigé à cette réforme et l’opposition républicaine espère en profiter lors des élections de mi-mandat au Congrès, qui auront lieu le 2 novembre pour renouveler un tiers des sièges du Sénat et l’ensemble des élus de la Chambre des représentants. Les républicains, qui ne décolèrent pas après l’adoption d’une réforme qu’ils ont combattue jusqu’au bout, soulignent désormais qu’ils seront moins disposés à travailler avec les démocrates sur des dossiers comme le changement climatique ou la réforme de l’immigration. Douze Etats ont annoncé lundi qu’ils engageraient des procédures contre la réforme qui empiète selon eux sur leur souveraineté. Le porte-parole de la Maison blanche, Robert Gibbs, a jugé que leur action n’avait guère de chance d’aboutir. Cette réforme représente le plus grand changement en matière de santé publique aux Etats-Unis depuis la création du programme Medicare pour les personnes âgées en 1965. Elle permet en outre d’atteindre un objectif sur lequel beaucoup de prédécesseurs d’Obama, dont Bill Clinton en 1994, avaient buté. Robert Gibbs a déclaré que Barack Obama comptait s’exprimer régulièrement sur le sujet dans les mois à venir. Mais l’adoption de la loi lui permettra également de consacrer plus de temps à d’autres priorités comme la réforme de la régulation financière. Les républicains ont dénoncé la réforme, dont le coût a été évalué par le bureau du budget du Congrès (CBO, non partisan) à 940 milliards de dollars sur dix ans, comme une intrusion de l’Etat fédéral dans l’économie en assurant qu’elle creuserait le déficit budgétaire. Le CBO a jugé qu’elle réduirait le déficit de 138 milliards de dollars sur dix ans.
Le Sénat examinera cette semaine une série d’amendements votés par la Chambre des représentants pour améliorer la loi.
(Jean-Stéphane Brosse et Clément Dossin pour le service français, édité par Gilles Trequesser)