Mille euros par ci, 1 200 par là, et jusqu’à 1 800… A l’heure où les déserts médicaux s’étalent et inquiètent professionnels, élus et population, les bourses proposées aux futurs médecins sous condition d’installation dans des zones sous-dotées ont le vent en poupe. Au point que les carabins pourraient finir par se vendre au plus offrant.
Si le groupe de cliniques Vitalia se défend, avec son tout nouveau « contrat d’engagement de service privé », de vouloir riposter à la prochaine mise en place de bourses publiques, c’est pourtant une impression générale de surenchère qui se dégage.
A la rentrée 2010, en effet, les étudiants en médecine se verront proposer un « contrat d’engagement de service public ». Soit quelque 1 200 euros par mois pendant la durée de leur formation. Les décrets d’application de cette mesure inscrite dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), votée en 2009, sont actuellement discutés, dont le montant de l’allocation. Pour en bénéficier, les futurs généralistes, principaux visés, mais aussi les spécialistes, devront s’engager à exercer dans une zone désertée par les médecins pendant autant d’années qu’ils ont touché la bourse.
De son côté, Vitalia propose déjà de 1 500 à 1 800 euros par mois aux internes et chefs de clinique durant leur dernière année de formation, contre l’engagement de rester deux ans dans l’un de ses établissements. Le montant de la bourse dépend de la zone géographique et de la spécialité. Chaque année, les besoins seront réévalués. En 2010, ce sont les urologues qui toucheront le plus gros chèque. Le groupe affirme cependant que l’argent n’est pas seul en jeu. « C’est un véritable accompagnement à l’installation que nous proposons, explique le PDG Christian Le Dorze, car jamais l’université n’aborde la problématique de l’exercice en libéral. »
Face à la pénurie de médecins, savoir recruter est devenu crucial. Si l’idée de Vitalia est séduisante, toutes les cliniques qui ne sont pas adossées à un groupe n’auront pas forcément les moyens de se lancer dans la course, nuance cependant la Fédération de l’hospitalisation privée. La Générale de santé, premier groupe privé du secteur hospitalier, va-t-elle surenchérir ? Pour l’instant, elle indique juste avoir engagé une réflexion sur l’attractivité.
« Guerre du recrutement »
Du côté des hôpitaux publics, on dit comprendre la riposte de Vitalia. « La guerre du recrutement était déjà lancée, elle s’exacerbe », résume Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France, qui reconnaît que les hôpitaux publics ont du mal à offrir une visibilité de carrière aux internes.
Les départements, précurseurs du système boursier qu’ils utilisent pour capter des généralistes, seront-ils distancés ? La Manche, par exemple, offre, depuis cinq ans, 300 euros mensuels de la deuxième à la quatrième année d’études, puis 1 000 les deux suivantes contre dix ans d’exercice comme généraliste en zone sous-dotée. Le président du conseil général, Jean-François Legrand (UMP), ne voit pas dans la copie de son système de quoi s’inquiéter, puisque « la demande de bourses est en hausse ».
Laetitia Clavreul
Article paru dans l’édition du 31.03.10