Le Monde.fr | 27.05.10 | 11h29
Un rapport parlementaire sur l’hôpital pointe des dysfonctionnements d’ordre local, mais tout autant d’ordre national.
Peut clairement mieux faire : c’est le bilan que dresse la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), composée de députés de tous bords, dans le rapport sur le fonctionnement de l’hôpital qu’elle a rendu public mercredi soir 26 mai. Y sont pointés des dysfonctionnements d’ordre local, mais tout autant d’ordre national.
La mission fait 46 préconisations pour améliorer la gestion des hôpitaux, et donc leur performance. Derrière chacune d’elles, c’est en fait un problème qu’elle soulève. Ainsi, la MECSS propose de généraliser les paiements des patients dès leur entrée à l’hôpital, pointant un problème général de non-recouvrement des factures, notamment aux urgences ou pour les consultations externes. Elle estime la perte de recettes potentielles à 5 %.
Autre illustration de l’insuffisance des efforts de performance : l’absence de comptabilité analytique dans de nombreux établissements. Préconisée depuis longtemps, elle permet aux hôpitaux de connaître leurs coûts de production, et donc leurs forces et faiblesses par rapport aux autres. Ne pas procéder ainsi « revient à conduire une voiture sans compteur », explique Jean Mallot, député socialiste de l’Allier et rapporteur des travaux de la mission. Celle-ci préconise la mise en place générale de ce type de comptabilité dans les deux ans, et réclame que le gouvernement y mobilise des moyens.
C’est en fait aussi au niveau national, selon le rapport, que les efforts doivent être accomplis. La mission recommande un meilleur pilotage stratégique global, avec la mise en place d’un plan annuel d’efficience, et réclame une clarification des missions des multiples structures chargées de l’audit et de l’accompagnement des hôpitaux : Haute autorité de santé (HAS), Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), Agence nationale des systèmes d’information partagés (ASIP santé), sans oublier l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Malgré des efforts de simplification, « le panorama reste touffu et des chevauchements de compétences et dans les actions ne sont pas exclus », note le rapport.
« LES BONNES PRATIQUES NE SONT PAS TRANSMISES »
Il y est aussi demandé une accélération des dispositifs d’aides à la performance : ainsi l’ANAP a soutenu 170 établissements dans la mise en place de la comptabilité analytique, et prévoit d’en accompagner 50 par an. Soit bien trop peu, selon les députés, puisque la France compte près de 1 000 hôpitaux publics.
Pour améliorer la performance de tous ces sites, les députés prônent la mise en place et la diffusion de référentiels. « On voit que des bonnes pratiques ont été mises en place, mais elles ne sont pas transmises d’un établissement à l’autre », explique M. Mallot. Son rapport relève aussi que la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitalier a publié des guides méthodologiques pour améliorer les organisations, mais qu’ils ne sont toujours pas connus des directeurs d’hôpitaux !
Surtout, la mission se montre critique, non sur la mise en place de la « tarification à l’activité », qui rémunère désormais les hôpitaux au nombre d’actes réalisés, mais sur le manque d’études sur son impact, alors que ses dérives potentielles sont connues (inflation des actes pour rétablir l’équilibre financier, orientation des établissements orientations des établissements vers les activités les plus rentables…).
Les députés réclament également une meilleure surveillance de la pertinence des séjours et des actes, rappelant que les quelques études publiées relèvent un taux d’inadéquation des journées d’hospitalisation s’élevant de 15 % à 30 %.
Tous ces progrès dans la gestion des hôpitaux français paraissent plus que jamais urgents, alors que ceux-ci vont être amenés à davantage se serrer la ceinture. Lors de la conférence sur les déficits, le 20 mai, le président de la République a en effet annoncé la réduction de l’évolution des dépenses de santé, qui va passer de 3 % en 2010 à 2,9 % en 2011 et 2,8 % en 2012.
Déjà cette année, les tarifs de rémunération des actes hospitaliers ont été gelés. Mais l’objectif fixé par Nicolas Sarkozy d’un retour à l’équilibre des hôpitaux en 2012, lui, n’a pour sa part pas été repoussé.
Laetitia Clavreul
Les 46 préconisations pour améliorer la gestion des hôpitaux
Le Monde.fr | 27.05.10 | 10h59
I. Sur le pilotage de l’efficience médico-économique
1. Demander au Gouvernement de fixer des objectifs aux agences régionales de santé en matière d’amélioration de l’efficience médico-économique des hôpitaux, de réorganisations internes et d’amélioration du fonctionnement des établissements ;
2. Demander au Gouvernement de fournir au Parlement un rapport annuel, annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale, présentant les orientations, le bilan et les perspectives en matière de réorganisations internes et d’améliorations apportées au fonctionnement des établissements hospitaliers et d’en publier les résultats sous une forme accessible à tous sur internet ;
3. Améliorer l’information des usagers en enrichissant et rationalisant les bases d’informations en ligne sur l’hôpital ;
II. Sur l’appui technique aux réorganisations hospitalières et la prise en compte de l’efficience
4. Organiser le dialogue social sur les évolutions organisationnelles des établissements publics de santé ;
5. Clarifier les missions des organismes qui sont chargés de l’appui et du conseil aux établissements en matière d’amélioration de la performance médicoéconomique, assurer impérativement une coordination efficace de leur action et y associer les médecins-conseils de l’Assurance maladie ;
6. Donner un caractère opposable aux guides de bonnes pratiques organisationnelles établis par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, confier aux agences régionales de santé la mission d’assurer leur diffusion et veiller à leur application par les établissements, les pôles et les services ;
7. Développer la formation des dirigeants des établissements et des personnels hospitaliers à l’efficience médico-économique hospitalière ;
8. Établir un diagnostic sur la performance médico-économique de l’établissement avant de conclure le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ;
9. Établir la collaboration entre les agences régionales de santé et l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux et assurer la remontée d’informations des établissements ;
10. Améliorer la connaissance statistique des effectifs employés dans les établissements hospitaliers ;
11. Réaliser avant toute opération de restructuration ou de fusion un audit et un diagnostic préalables et définir un projet médical et un projet d’établissement partagés ;
12. Conditionner l’attribution des aides financières des agences régionales de santé aux établissements devant revenir à l’équilibre financier à la conclusion d’engagements précis et quantifiables et en assurer le suivi effectif ;
13. Renforcer la formation en management et conduite du changement des directeurs d’établissement ;
14. Évaluer l’efficacité de la formation d’adaptation au poste de directeur d’établissement et des formations concernant la gestion de projet et le management du changement ;
III. Sur les pôles
15. Poursuivre la mise en place des pôles et inciter à la réalisation d’audits d’efficience médico-économique dans les pôles et les services ;
16. Demander à l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux de formuler des préconisations en ce qui concerne l’organisation des pôles ;
IV. Sur les outils de pilotage et de gestion dans les établissements
17. Rendre effective la mise en place une comptabilité analytique performante dans tous les établissements dans un délai de deux ans, développer l’analyse et le contrôle de gestion et y consacrer les moyens nécessaires dans un calendrier fixé à l’avance ;
18. Demander à l’Agence des systèmes d’information partagé (ASIPSanté) d’établir rapidement des référentiels de systèmes d’information partagés et interopérables et mettre en place ces systèmes d’information ;
19. Demander à l’ASIP-Santé d’accélérer la mise en place du dossier médical personnel (DMP) et veiller à la compatibilité des dossiers médicaux existants avec le DMP ;
20. Veiller à la réorganisation de la permanence des soins pour désengorger les urgences hospitalières ;
V. Sur les évolutions de l’activité hospitalière
21. Lever les freins au développement de la chirurgie et de la médecine ambulatoires, prévoir un cadrage national pour ce développement et fixer des objectifs dans les contrats d’objectifs et de moyens ;
22. Poursuivre le développement de l’hospitalisation à domicile et en simplifier et rendre lisible l’accès ;
VI. Sur la régulation par la qualité
23. Développer l’informatisation des blocs opératoires, utiliser des logiciels de gestion des blocs, améliorer la planification de l’activité et assurer le suivi à l’aide d’indicateurs concernant notamment le temps opératoire et les coûts de fonctionnement des salles ;
24. Appliquer les référentiels de prescription des médicaments, utiliser les logiciels d’aide à la prescription hospitalière, veiller à leur compatibilité avec les logiciels d’aide à la prescription de ville, et informatiser la prescription médicamenteuse ;
25. Établir des référentiels pour les examens biologique et de radiologie et développer l’information des nouveaux médecins et des internes sur ces référentiels ;
26. Mobiliser la Haute Autorité de santé pour élaborer et diffuser des recommandations sur les prises en charge et les soins offrant la meilleure efficience médico-économique, et envisager de donner aux recommandations un caractère opposable ;
27. Développer un système interne d’alerte pour éviter les doublons de prescription de médicaments ou d’examens biologiques ou de radiologie ;
28. Développer avec la Haute Autorité de santé les travaux d’études et de recherche sur la pertinence des interventions et des soins ;
29. Mettre en place une gestion mutualisée des lits et des capacités dans les établissements de santé ainsi qu’entre les établissements de santé, les établissements sociaux et médico-sociaux, dans le cadre régional ;
VII. Sur l’efficience des achats et la sécurité juridique des marchés publics
30. Professionnaliser la fonction achats et rendre obligatoire le recours aux groupements d’achats hospitaliers ;
31. Veiller au respect des règles relatives aux marchés publics et contrôler leur application ;
32. Fixer dans les contrats d’objectifs et de moyens des objectifs en matière de mutualisation de fonctions support ;
VIII. Sur les rapports avec les usagers
33. Améliorer l’information des usagers sur le parcours de soins, définir un référent, coordinateur de séjour ou de parcours de soins pour chaque patient et mettre les usagers en situation d’être informés sur le coût des traitements ;
34. Améliorer l’organisation de la prise en charge à la sortie de l’hôpital ;
IX. Sur le financement des établissements
35. Veiller à ce que la tarification à l’activité n’ait pas pour conséquence de réduire l’accessibilité aux soins ;
36. Clarifier l’objectif du financement par les tarifs ;
37. Accélérer les études sur les effets directs et indirects de la tarification à l’activité sur l’activité des établissements et la qualité des soins ;
38. Renforcer la rémunération de la qualité des soins par des dotations au titre des missions d’intérêt général et les aides à la contractualisation ;
39. Généraliser le codage à la source, » au lit du malade « , des séjours et des actes par les professionnels de santé ;
40. Généraliser le paiement de la consultation, ainsi que des actes et examens programmés, au moment de l’entrée de l’usager dans l’établissement ;
41. Mener rapidement les travaux préalables avant de généraliser l’application du nouveau mode de financement aux hôpitaux locaux, aux services de soins de suite et de réadaptation et à la psychiatrie ;
42. Instaurer l’obligation pour les établissements de santé d’établir un bilan patrimonial annuel précis et réévalué chaque année, améliorer la gestion du patrimoine immobilier hospitalier et étudier la possibilité de mettre en place un office public de gestion ;
X. Sur la gestion du personnel
43. Mettre en place une stratégie régionale de gestion prévisionnelle des personnels hospitaliers ;
44. Permettre aux infirmiers de poursuivre leur formation jusqu’au niveau master et développer les possibilités d’évolution de carrière par la voie de la valorisation des acquis de l’expérience professionnelle ;
45. Faciliter et accompagner la mobilité des personnels et personnaliser la gestion des carrières ;
46. Lutter contre la souffrance au travail.
Le projet de rapport sur le fonctionnement de l’hôpital de la MECSS (en PDF) : http://medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20100527/1363660_a58a_rapport.pdf