A propos de la réforme annoncée de la loi du 27 juin 1990 : Refusons la « psychiatrie criminelle » affichée par le gouvernement – motion de l’USP issue du congrès de mars 2010

CONGRES ANNUEL de L’USP
19, 20 et 21 mars 2010 à Paris MOTION A propos de la réforme annoncée de la loi du 27 juin 1990 : Refusons la « psychiatrie criminelle » affichée par le gouvernement Depuis décembre 2008, les questions de l’internement psychiatrique et du traitement contraint prennent une tournure dangereuse qui nous invite à une protestation radicale et à un rappel de principes démocratiques et techniques intangibles organisés autour de l’exigence de la qualité de sujet de droit et de malade pour le patient psychiatrique. La loi du 27 juin 1990 n’est, de l’avis même du législateur, qu’un toilettage de la loi de 1838. Notre première récusation, fort ancienne celle-là, est le refus de la dimension de loi de police. Toute loi dont le propos est le soin sans consentement doit être une loi de protection de la personne (donc régie par l’autorité judiciaire ou sous son contrôle) et non une loi de police (mesure de sûreté sous la houlette du préfet). La circulaire du 11 janvier 2010 vient confirmer le haut potentiel d’arbitraire. Les mesures de contrainte sanitaire à la personne ne peuvent être fondées sur la dangerosité sociale, mais sur l’état de nécessité clinique. La véritable équation ici s’écrirait ainsi : comment soigner contre son gré une personne sans commettre le crime de séquestration et d’atteinte à la vie privée ? Le soin obligé impose, du point de vue légal, une loi qui départage et arbitre entre les protagonistes d’une situation de gravité psychiatrique et qui garantisse la plénitude comme l’effectivité des droits de la personne concernée. La législation psychiatrique ne doit plus être une législation d’exception. Il s’agit de répondre à l’état de nécessité de soin psychiatrique dans le cadre du droit commun, et donc d’en confier l’autorisation et le contrôle au pouvoir judiciaire civil.
L’internement psychiatrique doit se voir appliquer le principe de subsidiarité. Celui-ci signifie que doit être établi le refus de soin et des traitements par la personne concernée, en présence d’un état psychiatrique avéré, cliniquement grave et aigu, et qu’aucun autre moyen de soin n’a pu être proposé ou accepté. L’internement ne peut se dérouler que dans un lieu de soin spécialisé agréé et assurant des soins 24h/24. Une telle position signe non seulement une obligation de soin pour les personnes présentant cliniquement un état de nécessité, mais aussi une obligation de soin pour les soignants et services, de même qu’une obligation de moyens pour l’Etat en vue d’une psychiatrie d’accueil et de soin. Les discours et les annonces d’une réforme de la loi du 27 juin 1990 se cristallisent sur deux points essentiels qui se veulent une innovation pour le « bien » du patient et de son entourage : le traitement obligatoire dans la communauté et une rétention pour évaluation de 72 heures sous contrainte et dans le cadre hospitalier. Réclamé par les associations de familles, il serait le fait d’une ordonnance du psychiatre traitant dont l’objet serait la surveillance et la compliance du patient à un plan de traitement basé sur l’acceptation des médications, les consultations médicales et autres dispositions concernant la gestion de sa vie que le psychiatre estimera nécessaire, sinon une mesure de précaution s’y substituera. Une première duperie serait d’imaginer que le patient doive donner son consentement ; dans la pratique, il suffira de décréter son « incapacité à consentir » pour introduire une personne qui prenne les décisions en lieu et place, rendant inutile la poursuite de la recherche du consentement en prenant le temps nécessaire à un travail relationnel. Dans un tel cadre, quelle serait la justification ? La gravité de la maladie mentale, l’ampleur des troubles du comportement, les antécédents d’internement ? En cas de non observance de ce plan, le psychiatre (la famille ? le tuteur ?) serait en droit de (ré)interner le patient. Nous ne pouvons cautionner de telles « innovations» en trompe-l’œil ! L’insistance sera portée sur la réduction de la violence, sur une prédiction de dangerosité, sur la surveillance (y compris par géolocalisation), sur l’observance. Il y a là atteinte à la dignité et à l’intimité de la personne. Il y a également un évident risque d’effet opposé, soit une plus forte soustraction, voire une violente opposition, au soin psychiatrique ; l’accès au soin, la relation thérapeutique ne se figureraient plus alors que sur la base de la coercition.
A la place d’une attribution de dangerosité, à la place de la violence du soin intrusif, il s’agit bien d’une disponibilité et d’une obligation à soigner, indépendamment de la dimension de la détention ou de la sanction, et pas davantage de celle de défense sociale. Elle ne peut se concevoir que dans la notion de santé individuelle et dans un nouveau renforcement de la politique de secteur dans ses dimensions soignantes historiques et actuelles, alternatives et inclusives. Nous sommes résolument opposés à la politique de la peur, à la politique sécuritaire, à l’instrumentalisation de la psychiatrie à des fins d’élimination de populations désignées comme classes dangereuses (les fous, les SDF, les jeunes…). Nous ne nous laisserons pas embarqués dans un nouveau grand renfermement opérant aussi bien dans les institutions que sur le territoire.
Nous appelons toutes les forces mobilisées sur les politiques de santé, sur la justice, sur les droits de l’homme à s’opposer radicalement à une politique qui se veut inexorablement intolérante, excluante, répressive et normalisante, basée sur la peur et le retour à la discrimination.

Documents joints