NEUILLY-SUR-MARNE (Seine-Saint-Denis), 27 septembre 2010 (APM) – La réorganisation des pôles à l’établissement public de santé (EPS) de Ville-Evrard de Neuilly-sur-Marne est bloquée en raison d’une rupture du dialogue entre la direction et le corps médical, a-t-on appris de sources internes.
Le directeur de l’EPS, Claude Dagorn, a présenté une organisation en huit pôles cliniques et médico-techniques au lieu de 19 actuellement mais ce schéma est rejeté par la commission médicale d’établissement (CME).
Le conflit dans un des plus importants hôpitaux psychiatriques d’Ile-de-France est devenu emblématique de l’application de la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 21 juillet 2009 aux services de psychiatrie, à un moment où de nombreux secteurs de psychiatrie sont amenés à revoir leur organisation en pôles et où les psychiatres réclament une loi d’organisation globale.
Un collectif de psychiatres d’Ile-de-France s’est constitué le 9 septembre pour dénoncer « l’application aveugle » de la loi HPST en psychiatrie, avec pour fer de lance les communautés médicales de l’EPS Ville-Evrard et de l’EPS Maison Blanche, implanté à Paris, et représente la base du mouvement de grève des psychiatres publics qui a lieu mardi (cf dépêche APM HMNIA002).
L’EPS Ville-Evrard (400 lits, 370 places environ) gère 15 secteurs adultes, trois intersecteurs de pédopsychiatrie pour une population de 850.000 adultes et 270.000 enfants et adolescents sur environ deux tiers du département de Seine-Saint-Denis, sur lequel les inégalités de santé sont reconnues comme importantes. Les lits d’hospitalisation à temps plein sont implantés sur quatre sites (Neuilly-sur-Marne, Aubervilliers, Bondy, et Saint-Denis) et les structures ambulatoires dans une soixantaine de sites.
Selon une note de la direction, dont APM a eu copie, Claude Dagorn a proposé de sortir du schéma en vigueur, adopté en 2006 sur la base d’un pôle par secteur et d’un pôle regroupant quatre services médico-techniques (pharmacie, département d’information médicale, spécialités et médecine polyvalente). Selon sa dernière proposition, quatre pôles territoriaux seraient constitués en psychiatrie adulte, par regroupement de trois ou quatre secteurs, tandis que les trois intersecteurs de pédopsychiatrie resteraient en l’état, en trois pôles distincts.
Chacun des pôles adultes couvrirait une population de 175.000 à 230.000 habitants, totaliserait une file active comprise entre 5.300 et 7.600 personnes et une activité de 5.300 à 7.600 journées, avec des effectifs compris entre 258 et 340 équivalents temps plein (ETP).
La direction justifie ces modifications par « les changements de normes juridiques induits » par la loi HPST et des « besoins managériaux et de gestion ». Le directeur envisage d’appliquer cette nouvelle organisation au 1er janvier 2011, après avoir nommé les chefs de pôle en novembre, et une signature des contrats de pôle en juin 2011.
OPPOSITION DE LA CME
Le président de CME, le Dr Francis Théodore, s’appuyant sur le vote du collège médical, estime que le redécoupage ne répond à « aucune justification clinique », et s’appuie sur l’hospitalisation à temps plein alors que l’ambulatoire représente 80% de l’activité, a-t-il déclaré à l’APM. A deux reprises, la CME a voté à la quasi-unanimité le maintien de l’organisation sur la base « un secteur de psychiatrie = un pôle ».
La CME se réunit mais, depuis juin, ses membres ne participent pas au directoire ni aux différents comités de pilotage, a-t-il indiqué.
La discussion sur la réorganisation est intervenue dans un climat déjà tendu avec la communauté médicale et avec le président de CME.
Le directeur a mis en avant l’incompatibilité du cumul des fonctions de chef de pôle et de président de CME, dans le décret du 30 avril sur les CME, et a demandé à Francis Théodore de choisir entre les deux fonctions. « Le versement de ma prime de pôle a été supprimé », a-t-il indiqué à l’APM. Mais le président de CME estime que l’application est abusive dans cet établissement et souligne que le décret indique que le règlement intérieur peut prévoir une exception à cette règle « si l’effectif médical de l’établissement le justifie ».
Au-delà de son cas personnel, Francis Théodore déplore les freins mis au remplacement de tous les personnels, médecins et non médecins qui perturbent le fonctionnement des services, dans un souci d’économies. « La direction veut faire des économies sur tout alors que nous sommes en excédent de 3,5 millions d’euros sur un budget de 130 millions ».
Le Dr Théodore estime que de nombreux projets, notamment les nouvelles implantations à Montreuil et à Aubervilliers et le programme immobilier prévoyant la reconversion du site historique de Neuilly-sur-Marne, prévus au projet d’établissement, ne sont pas menés à bien.
La direction de la communication de l’établissement a indiqué à l’APM que plusieurs projets étaient en cours et qu’une structure innovante pour adolescents (« institut hospitalier de soins études ») avait été ouverte à Aubervilliers en 2009.
hm/ab/APM polsan