En revanche, la loi ne doit pas laisser faire ni penser que le soin sous contrainte serait une manière de soigner les patients d’une manière générale. C’est contre cette banalisation de l’enfermement qui constitue le cœur de ce projet de loi que nous nous battons. Ce projet de loi organise l’exception psychiatrique et c’est cela qui est inacceptable. C’est pourquoi nous appuyons la demande d’une remise à plat de la loi de 1990 qui détermine les conditions actuelles d’internement d’office notamment. Nous devons trouver un équilibre entre des intérêts qui peuvent apparaître comme étant contradictoires, à savoir l’intérêt du patient, de la famille, de la société, et des soignants. Mais ce n’est pas en procédant à un effacement du tiers ou en subsidiarisant le tiers que l’on règle des questions complexe comme celle du comportement d’une personne en crise importante, pouvant porter atteinte à elle-même ou être dangereuse pour son entourage au sens large. – Deuxièmement, cette loi s’inscrit dans une stratégie de démantèlement du service public des soins psychiatriques et de la santé .
Ainsi, 1985 marque la fin de l’internat en psychiatrie, ce qui a divisé par dix le nombre de psychiatres. Quelques années plus tard ce sont les études des infirmiers en psychiatrie qui ont été supprimés, ce qui signifie qu’aujourd’hui il y a une délégation des tâches vers les aides-soignants dont le bagage de formation n’est évidemment pas le même. Parallèlement, 2004 a marqué la fin de la carte sanitaire en psychiatrie, c’est-à-dire la fin des secteurs, ce qui a entraîné une disparité régionale et donc une absence d’égalité devant le service public de la santé psychiatrique. Le récent vote de la loi HPHT en 2010, parachève ce mouvement qui s’inscrit dans une conception managériale de l’hôpital, y compris en ce qui concerne l’hôpital psychiatrique. Ce démantèlement du service public de la psychiatrie doit être stoppé. Il faut inverser la tendance. La gauche si elle revient au pouvoir en 2012 devra proposer avec les professionnels du secteur un plan d’urgence dans ce domaine. – Troisièmement, on assiste en réalité, au travers de l’examen de ce projet de loi, à une banalisation de l’enfermement qui s’accompagne en réalité d’une extension de l’enfermement.
L’existence de ce projet de loi s’inscrit évidemment dans une perspective d’ensemble où d’un côté l’on voit apparaître nombre de lois pénales bureaucratiques et démagogiques, qui apparaissent dès lors qu’il y a un fait divers. Cette loi s’inscrit dans la construction d’un État pénal se substituant à un État social. L’État pénal a pour objet de punir les pauvres en produisant des exceptions à la norme. L’exception des prostitués, celle des Roms et des gens du voyage, celles des jeunes des quartiers sensibles, celle des délinquants récidivistes, celle des sans papiers, celle des drogués. Ceux que l’on appelle des fous n’échappent évidemment pas à la règle. Dans une société d’exception, ce sont toujours eux qui sont parmi les premiers à être mis à l’index. Or, le fou, faut-il le rappeler est d’abord une personne comme les autres qui a le droit à la dignité comme les autres et dont il faut respecter l’intégrité comme les autres. Ce projet de loi construit une psychiatrie sécuritaire, autoritaire et paternaliste qui au nom de la prévention sécuritaire autorise l’intrusion dans l’intimité et le corps du patient La loi proposée est donc complémentaire et exemplaire de ce phénomène de surveillance des classes dangereuses.
Elle s’inscrit parfaitement dans la multiplication des lois sur les fichiers, la vidéo surveillance, la rétention de sûreté, la pénalisation des personnes les plus fragiles. Ce projet contient d’ailleurs la perspective d’un fichage national généralisé de toute personne bénéficiant de soins spécialisés. Une société qui traite correctement les maladies mentales est une société équitable. Celle qui les isole, les enferme, les nie dans leur personne est une société injuste. Le sarkozysme fait avec la psychiatrie ce qu’il fait en général le mieux : punir les pauvres, diviser les populations, stigmatiser et chercher des boucs émissaires. Il amalgame la folie avec la dangerosité, ce qu’ont toujours fait les régimes autoritaires. C’est pourquoi, nous devons prôner un débat public citoyen pour s’opposer aux lois sécuritaires et notamment à celle sur les soins psychiques. Nous devons œuvrer pour le développement d’une politique du soin psychique respectueuse de la personne et de ses droits fondamentaux.
Au moment où l’image de la France est salie par un gouvernement qui n’hésite pas à recourir aux méthodes les plus discriminatoires et répressives, l’appel des 39 nous rappelle que la convergence des luttes contre le nouvel ordre sécuritaire et la justice social ne font qu’un.»