Dépêche AFP du 26 novembre 2010 : L’hospitalisation psychiatrique sans consentement en partie inconstitutionnelle

A l’avenir, cette hospitalisation sous contrainte ne pourra être prolongée au-delà de quinze jours sans l’intervention systématique d’un juge.

Le Conseil constitutionnel a censuré, ce vendredi, un article du Code de la Santé publique sur l’hospitalisation d’un patient pour troubles mentaux, décidée sans son consentement à la demande d’un tiers (parents, proche…).

A l’avenir, cette hospitalisation sous contrainte ne pourra être prolongée au-delà de quinze jours sans l’intervention systématique d’un juge.

Les Sages avaient été saisi de ce sujet par une patiente dans le cadre de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité. Ils ont jugé que les dispositions concernant la prolongation de l’hospitalisation sous contrainte à la demande d’un proche étaient contraires à l’article 66 de la Constitution qui exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, «gardienne de la liberté individuelle», comme c’est déjà le cas pour la garde à vue ou la rétention administrative des étrangers.

C’est la première fois que le Conseil constitutionnel rend une décision sur une question concernant les droits et libertés des malades mentaux.

Le communiqué du Conseil Constitutionnel :

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2010 par le Conseil d’État, dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mlle Danielle S. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de huit articles du code de la santé publique relatifs à l’hospitalisation sans consentement en général et à l’hospitalisation à la demande d’un tiers en particulier (HDT).

Ces huit articles sont les articles L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L. 334, L. 337 et L. 351 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 15 juin 2000, désormais repris aux articles L. 3211 3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1 du même code.

Ces huit articles sont issus de la loi du 27 juin 1990, dite « loi Evin » qui a remplacé la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés. Cette loi de 1990 a repris les deux procédures distinctes d’hospitalisation sous contrainte : l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) est une mesure d’hospitalisation pour nécessité médicale de la personne atteinte de troubles mentaux ; l’hospitalisation d’office (HO) ordonnée par le préfet ou le maire est motivée par la sécurité des personnes et l’ordre public. En 2007 et 2008, 69 000 personnes environ ont été hospitalisées sans leur consentement au moins une fois dans l’année. Pour 2009, la durée moyenne d’une HDT est de 49 jours et celle d’une HO de 82 jours.

La requérante contestait, d’une part, les conditions de l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) et, d’autre part, l’insuffisance des droits des personnes hospitalisées sans leur consentement (HDT ou HO).

I. Sur les conditions de l’hospitalisation à la demande d’un tiers

Le Conseil a distingué les conditions d’admission et le maintien de l’hospitalisation.

* En ce qui concerne les conditions d’admission, les articles L. 333, L. 333-1, L. 333-2 et L. 333-4 fixent les conditions de l’HDT. En premier lieu, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement, à la demande d’un tiers, que si ses troubles rendent impossible son consentement et si son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. En deuxième lieu, diverses conditions de procédure sont posées : demande d’admission présentée par un proche et accompagnée de deux certificats médicaux, confirmation de la nécessité de l’hospitalisation dans les vingt-quatre heures par un psychiatre de l’établissement. . .

Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions sont conformes à la Constitution. Elles assurent que l’hospitalisation sans le consentement du malade, à la demande d’un tiers, ne soit mise en œuvre que dans les cas où elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade. Par ailleurs, si l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, il n’impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté.

* En ce qui concerne le maintien de l’hospitalisation, l’article L. 337 du code de la santé publique prévoit qu’au-delà des quinze premiers jours, elle peut être maintenue pour une durée maximale d’un mois, renouvelable, au vu d’un certificat médical circonstancié indiquant que les conditions de l’hospitalisation sont toujours réunies.

Le Conseil constitutionnel a rappelé les exigences découlant de l’article 66 de la Constitution selon lesquelles la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Certes, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui conditionnent la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai. Mais, en prévoyant que l’hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire, les dispositions de l’article L. 337 méconnaissent les exigences de l’article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a donc déclaré l’article L. 337 contraire à la Constitution.

II. Sur les droits des personnes hospitalisées sans leur consentement

Ces droits sont identiques pour les personnes en HDT ou en HO.

Ces droits n’apparaissent pas, par eux-mêmes, contraires à la dignité de la personne. Il appartient aux professionnels de santé ainsi qu’aux autorités administratives et judiciaires de veiller, dans l’accomplissement de leurs missions et dans l’exercice de leurs compétences respectives, à ce que la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement soit respectée en toutes circonstances.

Aux termes de l’article L. 326-3, les restrictions à l’exercice des libertés d’une personne hospitalisée sans son consentement doivent être limitées à celles nécessitées par l’état de santé de l’intéressé et la mise en oeuvre de son traitement. Ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’exercice de droits constitutionnellement garantis.

Si une personne en HDT ou en HO ne peut s’opposer aux soins médicaux que ses troubles requièrent, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait ici opéré une conciliation non inconstitutionnelle entre les exigences de protection de la santé et de protection de l’ordre public, d’une part, et la liberté personnelle, d’autre part. En tout état de cause, les garanties encadrant l’hospitalisation sans consentement permettent que l’avis de la personne sur son traitement soit pris en considération.

Enfin, la personne en HDT ou en HO, ou toute personne intéressée, dispose du droit de saisir à tout moment le tribunal de grande instance pour qu’il soit mis fin à l’hospitalisation sans consentement. Le Conseil constitutionnel a ici formulé une réserve pour que le juge judiciaire soit tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans les plus brefs délais compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir des éléments d’information complémentaires sur l’état de santé de la personne hospitalisée.

Au total, par sa décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article L. 337 du code de la santé publique, désormais repris à son article L. 3212-7. Il a fixé au 1er août 2011 la prise d’effet de cette déclaration d’inconstitutionnalité afin de permettre au législateur d’y remédier. Il a déclaré les autres articles soumis à son examen conformes à la Constitution tout en assortissant sa décision d’une réserve d’interprétation portant sur l’article L. 351 du même code, désormais repris à l’article L. 3222-1.