Dépêche APM du 20 décembre 2010 : Recours contre un décret risquant d’empêcher les activités d’expert judiciaire des praticiens hospitaliers

PARIS, 20 décembre 2010 (APM) – Le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH) ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat contre le décret du 29 septembre 2010 modifiant le statut des praticiens hospitaliers (PH) et risquant d’empêcher les activités d’expert judiciaire des PH, a annoncé à l’APM le président du SPH, le Dr Jean-Claude Pénochet.

Le décret du 29 septembre 2010 a modifié le cadre de la pratique d’expertise des PH, classée comme « activité à l’extérieur de l’établissement ». Il soumet cette pratique à un accord du directeur de l’établissement de santé et oblige à effectuer les expertises en dehors du temps de travail, analysent le SPH et l’Association nationale des psychiatres hospitaliers experts judiciaires (Anphej).

Par ailleurs, « la possibilité d’effectuer des expertises à la demande d’une personne privée n’est pas possible et reste très floue pour les expertises demandées par une autorité administrative ou la justice ».

L’ancien statut ne subordonnait pas le droit d’exercice à l’autorisation du directeur et, « aucun texte ne l’interdisant, la pratique des expertises pouvait s’effectuer sur le temps de travail », souligne le syndicat. Les expertises pouvaient se dérouler dans les locaux hospitaliers et, en l’absence de texte le précisant, des interprétations différentes prévalaient pour l’utilisation des secrétariats hospitaliers dans la prise de rendez-vous et la frappe des expertises.

Le décret du 29 septembre renvoie à la loi générale du 13 juillet 1983 sur les droits et les obligations des fonctionnaires et à son décret d’application du 2 mai 2007. Les activités d’expertise sont mentionnées dans la liste des activités susceptibles d’être autorisées et doivent être effectuées en dehors du temps de travail.

Le SPH est conforté dans son analyse par une réponse écrite envoyée par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) à un psychiatre qui l’avait interrogée à ce sujet.

Il est confirmé que la rédaction des rapports d’expertise doit « impérativement se faire en dehors des heures de service des médecins qui les réalisent ».

En revanche, comme l’examen des personnes pour lesquelles ces expertises sont demandées peut « difficilement se faire en dehors des horaires normaux de consultation du service », la DGOS admet que le PH le fasse sur son temps de travail. En revanche, le directeur et le PH devront « définir, le cas échéant, les modalités de compensation ».

Le PH devra fixer avec le directeur de l’établissement dans lequel il exerce les modalités de pratique des expertises, indique la DGOS.

« Il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre le fait d’avoir une activité d’intérêt général (…) et la réalisation d’expertises à titre accessoire, sous réserve de l’appréciation par le directeur du caractère accessoire de l’activité expertale et, par conséquent, de son autorisation ».

Le SPH et l’Anphej ont été reçus le 8 décembre par des conseillers du ministre de la justice, Michel Mercier, indique le Dr Jean-Claude Pénochet.

« Ils nous ont indiqué qu’ils n’avaient pas eu connaissance de ces dispositions, qu’ils n’avaient pas été consultés par le ministère de la santé et qu’il leur semblait que cela risquait de retentir considérablement sur l’activité des experts », a rapporté le Dr Pénochet.

Dans un communiqué diffusé début décembre, la Coordination médicale hospitalière (CMH) et le Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP) avaient également protesté contre cette nouvelle disposition « très regrettable ».

Cet encadrement des expertises médicales aboutira à leur « quasi-cessation » et « serait extrêmement préjudiciable, non seulement à l’intérêt de la profession, mais aussi à l’ensemble du dispositif judiciaire français en le privant de ses éléments, souvent les plus compétents et motivés, que sont les experts judiciaires praticiens hospitaliers ».

La CMH et le Snam-HP demandent le retour au système dérogatoire de 1984, établi « après de très longues consultations et concertations à ce sujet avec l’ensemble de partenaires concernés par ce sujet ».