Dépêche APM du 25 janvier 2011 : Temps de travail: l’Amuf et le SNPHAR-E s’inquiètent des propositions de révision de la directive européenne

BRUXELLES, 25 janvier 2011 (APM) – L’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) et le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-E) se sont inquiétés dans des communiqués des propositions de la Commission européenne pour la révision de la directive européenne sur le temps de travail.

En avril 2009, le comité de conciliation sur la révision de cette directive n’avait pas réussi à parvenir à un accord et la directive 2003/88/CE a donc continué à être appliquée sans changement. La divergence principale entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (UE) « emploi, politique sociale, santé et consommateurs » (Epsco) portait sur la clause de non-participation (« opt-out ») qui permet de déroger à la limite des 48 heures de temps de travail hebdomadaire (cf dépêche APM CBMDS004).

La Commission européenne examine actuellement la directive dans le cadre d’une consultation en deux étapes des partenaires sociaux au niveau européen et d’une analyse d’impact détaillée.

« Les réponses fournies par les représentants des travailleurs et des employeurs de l’UE lors de la première phase de la consultation ont fait clairement apparaître un large consensus quant à la nécessité impérieuse d’apporter des changements aux règles actuelles relatives au temps de travail », indique-t-elle sur son site internet. « Il y a aussi un large consensus sur le fait que les règles de l’UE relatives au temps de travail devraient laisser aux représentants des travailleurs et des employeurs une plus grande souplesse pour pouvoir négocier les détails de mise en oeuvre au niveau approprié ».

En décembre 2010, la Commission européenne a adopté un document pour la deuxième phase de consultation invitant les partenaires sociaux à exprimer leurs points de vue sur d’éventuelles modifications de la directive.

Ce document présente deux possibilités de révision, l’une ciblée sur le temps de garde et le repos compensateur, et l’autre plus large.

UN TEMPS DE GARDE COMPTABILISE SELON UN PRINCIPE D’EQUIVALENCE

Dans l’option de révision ciblée, la Commission affirme que l’intégralité du temps de garde doit être reconnu comme du temps de travail mais propose d' »instaurer une dérogation, limitée aux secteurs où la continuité de service est nécessaire, qui permettrait de comptabiliser les périodes de garde différemment (c’est-à-dire pas toujours sur une base horaire mais selon un principe d’équivalence), sous réserve que certaines limites hebdomadaires ne soient pas dépassées et pourvu que les travailleurs concernés bénéficient d’une protection appropriée ».

Pour la Commission européenne, cette solution permet de ne pas introduire de distinction entre les périodes de garde « actives » et « inactives ».

L’Amuf a fait part la semaine dernière dans un communiqué de sa « plus grande inquiétude » par rapport aux propositions de la Commission européenne, dont la réponse à la pénibilité « serait de minorer la prise en compte du travail de nuit en lui appliquant une décote inacceptable ».

Par le système d’équivalence, « un urgentiste effectuant une garde de nuit de 14 heures pourrait se voir par exemple comptabiliser par son administration uniquement sept heures de travail effectif si on applique une décote de 50% aux heures de nuit ».

Ainsi, « les urgentistes travaillant généralement au-delà des 48 heures hebdomadaires pourraient se voir imposer des cadences de plus de 60 heures hebdomadaires grâce à cette minoration appliquée au travail de nuit », dénonce le syndicat.

L’Amuf demande au ministre du travail, de l’emploi et de la santé, Xavier Bertrand, une clarification de la position du gouvernement français sur ce dossier « afin que les propositions inacceptables de la Commission européenne, si elles étaient validées par le Parlement européen ne soient pas transposées dans le droit français conformément aux engagements pris par les gouvernements successifs ».

Le SNPHAR-E, membre de la Fédération européenne des médecins salariés (Fems), a lancé samedi une « alerte rouge » aux pouvoirs publics. « Nous savons ce qu’il y a derrière ces projets de révisions: dérèglementer, précariser, quitte à épuiser encore plus les médecins: pourvu qu’on redonne ainsi du temps médical dont les hôpitaux sont privés, faute d’une politique en faveur de l’attractivité des carrières médicales publiques », observe le syndicat.

Il souhaite rencontrer Xavier Bertrand et demande que la révision « ne revienne pas sur le repos quotidien post-garde, ni sur l’intégration dans nos obligations de service de la totalité du temps de travail passé à l’hôpital ». Le SNPHAR-E se déclare également « profondément attaché » au caractère optionnel du dépassement du délai réglementaire de la durée du travail hebdomadaire au-delà de 48 heures.

« En 2008, les syndicats médicaux européens ont empêché un recul sur cette directive » et « en 2011, après trois années supplémentaires de mépris, la réponse sera foudroyante », met en garde le SNPHAR-E.

Il mentionne par ailleurs le rapport sur la mise en oeuvre des règles relatives au temps de travail actuelles dans les Etats membres, rendu public parallèlement aux propositions de la Commission.

Ce rapport « relève qu’en France la réglementation incertaine sur le temps de travail des médecins fait qu’ils dépassent encore régulièrement la limite des 48 heures hebdomadaires fixée par la directive », mais il semble « ignorer que du travail dissimulé est institutionnalisé par les hôpitaux français, qui refusent d’inclure le travail en astreinte dans le travail réalisé », remarque le syndicat.

cb/ab/APM polsan
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CBOAP002 25/01/2011 18:30 ACTU