Dépêche APM du 28 janvier 2011 : Le secrétaire général de l’Afssaps a durement critiqué auprès de l’Igas son directeur général et des dirigeants de la Demeb

PARIS, 28 janvier 2011 (APM) – Le secrétaire général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), Michel Pot, a adressé aux membres de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui enquêtaient sur Mediator* (benfluorex, Servier) une critique virulente du directeur général et de plusieurs responsables de la direction de l’évaluation des médicaments et des produits biologiques (Demeb).

La « Note relative aux vulnérabilités du management de la pharmacovigilance et de la surveillance du marché du médicament (affaire Mediator*) », datée du 4 janvier, a été diffusée, parmi quelque 3.000 pages d’annexes (par ailleurs plutôt austères), dans la semaine qui a suivi la publication du rapport, le 15 janvier.

Les noms ont été caviardés mais on reconnaît sans peine Jean Marimbert, le directeur général, Philippe Lechat, le directeur de la Demeb, Anne Castot, chef du service de l’évaluation et de la surveillance du risque et de l’information (Surbum), et la chef du département de la pharmacovigilance, Carmen Kreft-Jaïs.

Michel Pot, qui utilise un ton rare dans la haute fonction publique, explique aux inspecteurs de l’Igas que les réflexions qu’il présente dans la note « pourront vous être utiles non seulement pour comprendre la possibilité de certaines défaillances dans la chaîne décisionnelle, mais également et surtout pour préparer des décisions susceptibles de réduire les risques de rechute ».

Des « failles managériales objectives et vérifiables » sont reprochées aux trois responsables de la Demeb mentionnés ci-dessus.

Il est reproché à Carmen Kreft-Jaïs d’avoir « toujours systématiquement fait écran entre ses unités et la chef du Surbum, et a[voir] constamment dénié à celle-ci le droit de s’immiscer dans la gestion de son département. Ce fait était connu de toute l’agence et reconnu et déploré par la chef du Surbum ».

Quant à Anne Castot, « elle présente le grave inconvénient d’avoir été en charge de responsabilités dans le secteur de la pharmacovigilance pendant une période beaucoup trop longue ».

« Elle était déjà responsable de la pharmacovigilance en 1995 et l’était encore, si je ne me trompe, à l’époque des réexamens du Mediator* à la fin des années 1990, puis a eu la responsabilité de la coordination des vigilances et de la surveillance du marché, puis a repris le secteur en direct comme chef du Surbum », ajoute-t-il.

« C’est dire que la réévaluation du Mediator* au cours des années 2000, à chaque fois qu’un signal est venu s’ajouter aux précédents, n’a pu bénéficier d’un regard neuf à son niveau de responsabilité », poursuit-il.

Michel Pot relève également que la chef de la Surbum « a toujours bénéficié d’un statut de quasi directeur », ce qui a nui à l’autorité hiérarchique de Philippe Lechat.

En outre, le directeur de la Demeb peut éprouver des difficultés à exercer pleinement ses fonctions en raison de son absence de l’Afssaps une semaine par mois pour représenter l’agence au Comité des médicaments à usage humain (CMUH) de l’Agence européenne du médicament (EMA) à Londres.

« Dans ces conditions, il est illusoire d’attendre de lui un management optimal d’une direction aussi complexe que la Demeb, qui compte plus de 300 personnes et opère sur des champs scientifiques et opérationnels aussi étendus », commente le secrétaire général.

Il suggère de faire du Surbum une direction à part entière, conduisant à une séparation de l’AMM (autorisation de mise sur le marché) et du post-AMM.

En conclusion, il recommande au « nouveau directeur général » de changer les chefs de la Surbum et de la pharmacovigilance, de traiter avec le Demeb du problème de ses absences mensuelles et « d’engager sans tarder un chantier de revisitation des AMM susceptibles de poser problème (…) en priorisant leur examen en fonction de quelques critères à définir en liaison avec le Demeb et un groupe d’experts ad hoc ».

Dans une note distincte, adressée au directeur de cabinet de François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, et figurant aussi parmi les annexes du rapport de l’Igas, Michel Pot vise également Jean Marimbert.

« Le directeur général de l’Afssaps en place depuis sept ans aurait pu s’apercevoir [des problèmes de management] et y remédier: le seul fait qu’il ne l’ait pas fait suffit à mon sens à objectiver son incompétence en matière de management, incompétence que je pourrais attester par 20 autres exemples », écrit-il à Didier Banquy.

« Tout ceci non pour ‘dénoncer’ mon chef -je pense que Xavier Bertrand n’est pas aveugle et va lui réserver le sort qu’il mérite- mais pour que tu saches qu’il y a bien une réponse aux questions que l’on se pose sur Mediator* -c’est bien d’une banale incompétence du service public qu’il s’agit et qui a permis à Servier de rouler l’agence dans la farine ».

Michel Pot recommande « un filtrage obligatoire par un cabinet de recrutement » pour choisir le prochain directeur général.

Il termine son courrier en prévenant le directeur de cabinet de François Baroin qu’il demandera bientôt à le voir « dans les mois qui viennent car mes chantiers informatiques se terminent [à l’Afssaps, ndlr], et je m’applique à moi-même le principe que sept années au même endroit sont largement suffisantes ! ».

eh/fb/APM polsan
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