PARIS, 28 janvier 2011 (APM) – Le Dr Annick Alpérovitch, épidémiologiste à l’Inserm, s’est déclarée « accablée » par un article de l’hebdomadaire médical Panorama du médecin-Egora qui présente de manière erronée ses commentaires faits à la direction générale de santé (DGS) au sujet des études qui ont mis en évidence un lien entre valvulopathie et Mediator* (benfluorex, Servier).
Cet article diffusé mercredi sur www.egora.fr, un « site d’actualité santé dédié aux professionnels de santé et notamment aux médecins généralistes », est intitulé « Mediator*: de nouvelles réserves », s’appuyant sur une note adressée à la DGS que Panorama du médecin-Egora s’est procurée.
Pour la revue, ces « réserves » concernent « l’exploitation des chiffres et en particulier celui du nombre de décès attribuable au Mediator* [qui ont] eu une grande importance dans la tourmente médiatique qui a emporté ce médicament ».
Or, le Dr Alpérovitch, interrogée vendredi par l’APM, se dit « accablée » par la présentation faite dans cet article de « l’éclairage informel » qu’elle a apporté à la DGS et qui portait uniquement sur les études ayant établi le risque de valvulopathie.
« Je n’ai pas d’avis sur les estimations du nombre de décès », souligne-t-elle, précisant avoir été sollicitée sur la méthodologie de trois études qui ont établi un risque de valvulopathie et contribué au retrait de Mediator* du marché en novembre 2009 (cf dépêche APM FBMKP001).
Il s’agit de deux études cas-témoins menées par les CHU de Brest et d’Amiens et d’une étude de cohorte exposés/non-exposés effectuée par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), confirme-t-elle à l’APM. La décision du retrait a aussi été motivée par l’étude REGULATE réalisée par Servier, rappelle-t-on.
Or Panorama affirme que cette note de fin décembre 2010 concerne quatre études, citant les deux études cas-témoins et « deux études de la Cnam » sans préciser qu’il fait référence aux deux estimations du nombre de décès potentiellement attribuables à Mediator*, faites à partir des mêmes données de l’assurance maladie.
La première estimation avait abouti à une fourchette basse d’au moins 500 décès tandis que la seconde allait jusqu’à 2.000 décès (cf dépêche APM FBNLK004) et Servier a toujours critiqué la méthodologie de ces deux études (cf dépêche APM HMOAA001).
L’hebdomadaire médical analyse donc de manière erronée les commentaires du Dr Alpérovitch: « Sans remettre en cause non plus le lien existant entre le benfluorex et le risque de valvulopathies qui ressort de façon unanime dans ces études, de nouveaux éléments apportent de l’eau au moulin de ceux qui évoquent cependant leur faiblesse méthodologique ».
Le lien entre valvulopathie et Mediator* était l’objet même de ces études qui, malgré leurs limites méthodologiques, ont apporté « des arguments extrêmement concordants sur l’existence » de cette relation, « arguments qui justifiaient pleinement la décision de santé publique qui a été prise », selon l’épidémiologiste.
Ce commentaire, qu’elle a exprimé au directeur général de la santé, Didier Houssin, et répété à la journaliste de Panorama, n’est pas mentionné dans l’article mis en ligne qui s’intéresse aux estimations du nombre de décès.
UNE CONCLUSION INSPIREE D’UN E-MAIL ENVOYE AU DGS
En revanche, pour sa conclusion (« le fait que des études critiquables sur le plan méthodologique, aboutissent à des données concordantes constitue-il une preuve? ‘Difficile à défendre scientifiquement’ répond le Dr Alpérovitch »), Panorama a repris des propos figurant dans un courriel au DGS et non dans la note elle-même, observe la chercheuse.
Elle indique aussi qu’elle n’a eu qu’un court échange de courriels avec une journaliste de Panorama, considérant que son analyse était succincte et ne méritait pas de plus amples développements.
« La DGS m’a demandé le 24 décembre un avis informel sur l’aspect méthodologique des études épidémiologiques et je lui ai répondu le lendemain que ces études ont des faiblesses, comme toute étude observationnelle, ce qui influence notamment l’estimation quantitative des risques », rapporte le Dr Alpérovitch à l’APM.
Elle reconnaît qu’à elles seules, ces études ne suffisent pas à démontrer un lien de causalité mais considère qu' »il existe un faisceau d’arguments [pharmacologiques et cliniques notamment, note-t-on] démontrant le risque de valvulopathie ».
Didier Houssin a confirmé vendredi à l’APM que dans cette note, le Dr Alpérovitch jugeait que la décision de retirer Mediator* du marché était fondée, ajoutant que le bénéfice modeste du médicament avait aussi été pris en considération.
Rappelant qu’il l’a consultée pour ses connaissances scientifiques [le Dr Alpérovitch est spécialisée notamment dans l’épidémiologie de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, Ndlr], le DGS explique que cet avis a « un intérêt surtout pour la suite, c’est-à-dire pour concevoir de nouvelles études si l’on veut déterminer la part attribuable du risque au benfluorex ».
Contrairement à ce qu’écrit Panorama, les commentaires de l’épidémiologiste ne rejoignent pas l’analyse du Pr Jean Acar qui, lui, remet bien en cause l’estimation du nombre de décès liés à la prise de Mediator*, note-t-on (cf dépêche APM FBOAI001).
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