par Christine Tréguier
Les établissements psychiatriques ne dérogent pas à la règle de l’informatisation à des fins de meilleure gestion administrative. Depuis 2007, un arrêté les oblige à tenir un recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (RIMP), destiné à procéder à une analyse médico-économique de l’activité de soins. Ce fichier, qui recense de nombreuses données concernant les patients hospitalisés ou simplement suivis dans les centres médico-psychologiques, n’aurait donc comme finalité que d’évaluer, pour mieux les tarifer, les actes effectués. Et n’aurait donc a priori aucun besoin d’informations sur les patients eux-mêmes.
Pourtant, et c’est ce qui inquiète l’Union syndicale de la psychiatrie (USP), le RIMP exige parmi les données enregistrées le diagnostic médical et les modalités d’hospitalisation sous contrainte. Des données très personnelles puisqu’elles sont associées à l’identifiant permanent du patient (numéro qui peut aisément être corrélé à son identité) et à sa date de naissance. Le tout est archivé sous la responsabilité du médecin à la tête du service d’information médicale (SIM) de chaque établissement, chargé de les transmettre après anonymisation à une agence ministérielle. Mais le fichier nominatif est conservé dans l’établissement. Un problème pour Olivier Labouret, vice-président de l’USP, qui déplore que ces données ne soient pas anonymisées à la source et qu’on multiplie les fichiers sans réelle protection.
Exemple, le dossier informatisé du patient, dont sont extraites les données du RIMP : il est nominatif, utilise le même logiciel, et il est facile pour n’importe quel soignant d’accéder « par erreur » aux dossiers d’autres patients que ceux dont il a la charge. À tel point qu’il est prévu, exceptionnellement, d’attribuer un alias pour préserver l’anonymat d’un parent d’un membre du personnel ou d’une personnalité. L’USP dénonce un manque de maîtrise général et une impossibilité de respecter la confidentialité indispensable à la relation entre soignants et patients. Elle demande que soient reconnus la nécessité du consentement exprès du patient à l’utilisation de ses données et son droit d’opposition. Un droit que revendique un groupe de patients du service psychiatrique du Centre hospitalier du Gers : sans succès depuis deux ans.
En décembre 2010, la publication d’un nouvel arrêté et du Guide méthodologique de production du RIMP est venue aggraver les craintes du syndicat. Ce guide préconise de recueillir également des informations sociales sur les patients – telles que mode de vie, situation scolaire ou professionnelle, bénéfice d’un minimum social, de la CMU, etc. –, « susceptibles d’influer sur les modalités du traitement ». Pour l’USP, « une telle utilisation “à visée d’enquête” donne de facto à l’État la capacité de réguler l’offre de soins de façon discriminatoire, en fonction de critères socio-économiques » et elle n’entre pas dans la finalité d’évaluation médico-économique du RIMP. Le syndicat a déposé un recours devant le Conseil d’État ainsi qu’auprès du ministère de la santé et a saisi la Cnil. « La psychiatrie, rappelle-t-il, est au service des personnes en souffrance », pas de leur traçage.