Communiqué USP-IPP du 5 mai 2011 : Réforme des soins psychiatriques sans consentement : Encore du chemin à parcourir !

Intersyndicale des Psychiatres Publics (SPH et IDEPP)

Union Syndicale des Magistrats

L’avis de la commission des lois du Sénat rendu le 27 avril 2011 sur le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques souligne bien, par ses nombreuses propositions d’amendements, les incohérences d’un texte qui veut maintenir coûte que coûte la prépondérance des contrôles administratifs sur les avis médicaux, tout en se pliant à la décision du Conseil Constitutionnel d’introduire le contrôle judiciaire direct sur les privations de libertés.

Alors que cette loi engage une atteinte aux libertés individuelles et à travers elle les moyens — complètement sous-estimés — dévolus autant à la justice pour en assurer l’examen qu’à la santé pour organiser des soins de qualité, c’est à la précipitation à légiférer selon des principes dépassés et une appréhension erronée des questions discutables de dangerosité que magistrats et établissements de santé devront faire face cet été.

Conformément à l’avis du Conseil National Consultatif des Droits de l’Homme, il semblait bien plus sage et pertinent de limiter temporairement les modifications de l’actuelle loi aux exigences de la décision du Conseil Constitutionnel et de prendre le temps d’élaborer dans la concertation avec tous ses acteurs une réforme adaptée. Tournée avant tout vers la prise en charge du sujet malade dans le respect des libertés individuelles, elle pourrait, sans négliger les impératifs de sécurité, mieux répondre aux impératifs techniques de l’exercice d’une psychiatrie moderne.

L’intégration des soins sans consentement dans le dispositif général et la politique nationale des soins en psychiatrie d’une part, l’articulation entre santé et justice d’autre part, tenant compte de toutes les dimensions et niveaux d’interventions psychiatriques, demandent impérativement l’élaboration d’une grande loi de santé mentale sans laquelle on continuera à tisser pour la psychiatrie française la dérive d’un patchwork ingérable.

Néanmoins les sénateurs ont semblé entendre les alertes des professionnels et analyser les contradictions du projet. En l’état, plusieurs propositions de la commission des lois vont dans le bon sens :

– le recours au juge des libertés et de la détention doit être systématique en cas de divergence d’appréciations entre autorité administrative et avis médical à toutes les étapes de la prise en charge du patient, sans déroger aux règles de procédure de droit commun en matière d’appel des décisions du JLD.

– les compétences du juge des libertés doivent être étendues aux soins ambulatoires.

D’autres points demandent des développements sous peine d’être inapplicables, comme celui du transfert de l’ensemble des contentieux vers l’autorité judiciaire dès septembre 2012. La décision du Conseil Constitutionnel contraint le législateur à judiciariser les soins sans consentement dès le 1er août 2011 ; si le ministère a annoncé le recrutement d’effectifs supplémentaires, ceux ci n’arriveront toutefois en juridiction, au mieux, qu’un an après l’entrée en vigueur de la loi. Prévoir au surplus le regroupement des contentieux entre les mains de l’autorité judiciaire dès septembre 2012, sans recrutements à cet effet, ne contribuera qu’à asphyxier un peu plus les juridictions de l’ordre judiciaire, qui, de fait, a fortiori à délais contraints, ne pourront exercer le contrôle voulu par le législateur.

Le texte qui sera discuté le 10 mai demeure particulièrement insatisfaisant s’il ne renonce pas :

– Aux contrôles des prescriptions médicales pour les soins ambulatoires qui doivent demeurer déontologiquement indépendantes et ne peuvent être contraintes par un protocole de soins dont le contenu serait fixé par décret et soumis aux interprétations des instances administratives décisionnaires.

– A la discrimination par des procédures spécifiques supplémentaires des catégories de patients déterminées selon leurs antécédents (hospitalisations en UMD et décision d’irresponsabilité pénale) et non en fonction de leur état clinique actuel, alors même qu’aucun repère ne témoigne du risque de récidive pour ces malades.

Enfin, tout comme le JLD devrait être doté d’un véritable statut, les psychiatres hospitaliers doivent être garantis dans leur indépendance professionnelle face à un tel dispositif qui multiplie et soumet les certificats médicaux aux instances administratives, en retrouvant une nomination spécifique ministérielle indépendante des pouvoirs locaux.

L’imbroglio parlementaire inédit survenu lors du vote final de la commission des affaires sociales ne fait que confirmer l’impréparation de ce texte et les profondes réticences qu’il suscite, y compris dans les rangs de la majorité.

C’est en réalité toute son architecture qu’il faut revoir. Car finalement, il reste à aller au bout de la logique sanitaire qui implique que les décisions de maintien aux soins sans consentement soient d’ordre exclusivement médical, sous le contrôle du juge.

Christophe Regnard, Président de l’USM

Norbert Skurnik et Jean-Claude Pénochet, Président et Vice-Président de l’IPP

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