Guère plus d’un praticien hospitalier sur cinq a voté aux élections professionnelles en cours. Le scrutin, ouvert depuis le 28 novembre, sera clôturé lundi à midi. Les bugs informatiques des premiers jours sont pourtant dépassés, assure la patronne du Centre national de gestion, en charge de l’organisation des élections. Les syndicats font triste mine. Certains demandent un délai supplémentaire.
LES CHIFFRES sont ravageurs. Lundi soir, à minuit, le taux de participation était de 18,37 % au conseil de discipline, et de 17,36 % à la commission statutaire nationale. Pour cette seconde instance, la participation tombe même à 10,36 % pour les seuls hospitalo-universitaires. Sur 40 336 praticiens hospitaliers inscrits, 7 449 avaient voté. Les pharmaciens, les biologistes et les anesthésistes-réanimateurs en tête, loin devant les chirurgiens et les médecins. Au total, pas même un votant pour cinq électeurs. Une sacrée déconvenue pour les organisations syndicales, qui relèvent toute une série d’obstacles : incompatibilité informatique, distribution du matériel de vote au petit bonheur…
La CPH (Confédération des praticiens des hôpitaux) et l’INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers) ont écrit à Xavier Bertrand pour lui demander de prolonger la période de vote jusqu’au début du mois de janvier. « Il n’est pas exclu que certaines organisations demandent l’annulation des élections », envisage même le Dr Jean-Marie Leleu, vice-président de la CPH.
Le nouveau président du SNMH-FO, le syndicat de médecins hospitaliers rattaché à Force ouvrière, a été reçu mardi par les conseillers de Xavier Bertrand. Il a demandé le retour au…vote traditionnel pour les prochains scrutins. « Les enseignants ont eux aussi voté pour la première fois de façon électronique cette année, et cela a été une catastrophe. Nous avions prévu la très nette baisse de la participation », rappelle le Dr Olivier Varnet, qui ne souhaite pas de prolongation des échéances « car on ne change pas les règles du jeu en cours de route ».
Le président de Convergences-HP, qui regroupe la CMH (Coordination médicale hospitalière) et le SNAM-HP (Syndicat national des praticiens des hôpitaux), ne met pas en doute la qualité du prestataire de service choisi par le CNG, qui a organisé avec brio les primaires d’Europe Écologie-les Verts. Il invoque un calendrier « pas très favorable », juste après les élections aux CME (commissions médicales d’établissement), pour lesquelles les candidats ne se sont pas bousculés. « L’hôpital reste troublé par la loi HPST », estime le Pr Sadek Beloucif. Les médecins méconnaissent l’enjeu du scrutin et le rôle de leurs instances professionnelles, ajoute l’anesthésiste-réanimateur, pour qui une réflexion de fond s’imposera, après les élections, afin de comprendre les raisons de cette faible participation. En attendant, le Pr Beloucif continue à battre le rappel des troupes. « Quand on n’a pas une bonne représentativité syndicale, met-il en garde, tout le monde y perd : le syndicat, le salarié, mais aussi l’administration ».
DELPHINE CHARDON
Danielle Toupillier (CNG) : « Nous appelons les médecins à voter »
Le Quotidien du Médecin 15/12/2011
La directrice générale du Centre national de gestion (CNG) assure que tous les moyens sont mis en œuvre pour permettre aux médecins de voter durant le court délai restant.
LE QUOTIDIEN – Voter à ces élections relèverait du parcours du combattant, selon les syndicats de PH. Quels sont les bugs techniques rencontrés ?
DANIELLE TOUPILLIER – Le système informatique qui permet aux PH de voter a été développé par une société prestataire. Il est soumis au référentiel de la CNIL, exigeant pour des raisons de sécurité : c’est le principe du vote électronique. Cela suppose de passer par le navigateur Java qui crypte d’un bout à l’autre le vote. Dès qu’un PH clique et se connecte, il ne peut être identifié. Les hôpitaux qui ont mis en place une très haute sécurité ont rencontré des difficultés pour accéder au système, car Java ne passe pas. Nous essayons de trouver des voies de passage tout en respectant les consignes de la CNIL. Trois solutions sont possibles. Soit l’hôpital modifie son système général pour laisser passer Java de façon transitoire, soit il débloque son système poste par poste, soit il met à disposition des postes consacrés au vote. Les PH peuvent également voter depuis leur domicile, mais pas depuis un smartphone.
Les organisations syndicales nous signalent d’autres difficultés. Parfois, le matériel de vote a été perdu ou détérioré. Cela concerne 353 médecins sur 46?738 votants. Le CNG leur a immédiatement renvoyé le matériel. Les directions d’hôpital ont fait un gros travail pour délivrer le matériel. Aux gros CHU, nous avons demandé de poster ce matériel à domicile.
Certains syndicats demandent la prolongation du scrutin. Est-ce envisageable ?
Trois semaines de délai, c’est déjà très long. D’un point de vue juridique, il n’y a pas de pourcentage minimum requis : tous les sièges seront pourvus, que l’on ait 10 % ou 50 % de votants. Nous pensons que prolonger le scrutin d’une semaine, aux alentours de Noël, ne changera pas la donne. Ceci étant, nous allons répondre à la demande des syndicats. Il y a plusieurs contraintes : il faut étendre le contrat des sociétés prestataires, repasser devant la CNIL, modifier la réglementation (le calendrier du scrutin a été fixé par des textes au « J.O. ») ainsi que la technique. Et ce, dans un délai très court. Une expertise juridique est en cours dont les résultats seront transmis au ministère de la Santé.
Quelle peuvent être les conséquences sur le dialogue social d’une faible participation ?
Le taux de participation reste limité, mais nous espérons qu’il va progresser grâce aux dernières opérations de relance. Peut-être les PH se sentent-ils moins concernés que pour des élections locales. Pourtant, ces élections sont très importantes. Elles servent à désigner les représentants des PH au sein des deux instances nationales que sont le conseil de discipline et la commission statutaire nationale (la question de la représentativité des syndicats, déconnectée des élections, dépend quant à elle de la DGOS). Nous encourageons les praticiens à voter en grand nombre.
PROPOS RECUEILLIS PAR D. CH