Dépêche APM du 15 décembre 2011 : Les hôpitaux ont souscrit 3,3 milliards d’euros d’emprunts toxiques (commission d’enquête)

PARIS, 15 décembre 2011 (APM) – Les hôpitaux ont souscrit 3,301 milliards d’euros d’emprunts structurés considérés à risque, dits emprunts « toxiques », selon le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les produits financiers à risques souscrits par les acteurs publics locaux, rendu public jeudi.

Créée le 8 juin, cette commission, présidée par Claude Bartolone (PS, Seine-Saint-Denis) et dont le rapporteur est Jean-Pierre Gorges (UMP, Eure-et-Loir), a analysé les conditions dans lesquelles des emprunts et produits structurés ont été souscrits auprès d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement par les collectivités territoriales, leurs groupements, les établissements publics de santé et les organismes de logement social (cf APM HMOF8008).

Le rapport de la commission intitulé « Emprunts toxiques du secteur local: d’une responsabilité partagée à une solution mutualisée », qui dresse un état des lieux et formule 12 propositions (cf APM CBOLF003), a été approuvé à l’unanimité par les membres de la commission, a indiqué Claude Bartolone jeudi lors d’une conférence de presse.

Afin d’établir un diagnostic, la commission a obtenu que les sept établissements de crédit actifs sur le marché des prêts au secteur local lèvent le secret bancaire sur le montant et les caractéristiques des 10.688 contrats de prêts souscrits par les acteurs publics locaux.

Sur les 1.180 contrats souscrits par les hôpitaux, la commission a relevé 5,964 milliards d’euros de prêts structurés sur un encours total de 24 milliards d’euros.

Sur ces emprunts, 3,3 milliards (55,3%) sont considérés comme étant à risque, dont 2,689 milliards (45,1%) sont même très risqués.

Les établissements prêteurs sont « relativement variés » avec 55,6% des encours pour Dexia, 18,1% pour BPCE (issu de la fusion des Banques populaires et des Caisses d’épargne) et 12,1% pour le Crédit agricole CIB.

La durée d’amortissement des emprunts structurés contractés est souvent très longue, en général supérieure à celle des emprunts classiques et pouvant parfois aller jusqu’à 30, voire 40 ans. La commission évoque 29 ans pour le CH de Lens (Pas-de-Calais) et 30 ans pour le CH de Saint-Dizier (Haute-Marne), qui a emprunté en 2006 et 2007 60 millions d’euros pour sa reconstruction.

Le rapport montre que les responsabilités ont été partagées entre les collectivités/hôpitaux, « qui ont souvent manqué de vigilance ou ne disposaient pas des compétences nécessaires pour comprendre les risques sous-jacents », les banques « qui ont développé une politique commerciale systématique et très agressive, souvent trompeuse », et enfin, l’Etat, « avec un contrôle superficiel localement et une certaine myopie de l’administration centrale face aux alertes qui apparaissaient ici ou là ».

Il revient sur le Plan hôpital 2007 qui a encouragé les établissements de santé à entreprendre des opérations de restructuration, en recourant notamment à l’emprunt. Les hôpitaux ont alors contracté des emprunts structurés afin d’abaisser leurs charges financières et de « permettre le financement de projets d’investissement structurants », note la commission.

Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne, les produits structurés ont permis d’aplanir les charges financières de 10 millions à 11 millions d’euros pendant la période de bonification et de financer sa reconstruction, prise en charge par l’emprunt dans sa quasi-totalité, rappelle la commission (cf APM CBOJ6001).

Toutefois, « si la conjoncture et les besoins financiers des établissements expliquent le recours à des prêts structurés, on constate que les risques associés à ce type de produits n’ont pas pu être identifiés, ni au moment de la décision prise par le directeur d’hôpital, ni lors des contrôles exercés par les services du Trésor », souligne la commission.

ISOLEMENT DU DIRECTEUR D’HOPITAL

Elle pointe aussi l’isolement du directeur d’hôpital, qui depuis 2005 ne doit plus soumettre la décision d’emprunter à une délibération de son conseil de surveillance. « L’isolement des directeurs d’hôpital lors de la décision d’emprunt a pu conduire ces derniers à réaliser des opérations risquées », et ce d’autant plus que « bon nombre d’entre eux ne disposaient ni des compétences nécessaires, ni de l’appui de services financiers suffisamment formés ».

De plus, « les incomplétudes de l’information financière disponible, de même que la faiblesse de la formation des services du Trésor en matière de produits structurés, ont nui à l’efficacité de leur contrôle », soulignent les députés.

« Les grands hôpitaux ont paru mieux armés pour gérer la complexité de certaines structures de financement », souligne la commission en évoquant le cas du CHU de Dijon qui a recruté du personnel qualifié pour gérer sa dette structurée.

En revanche, « de petits établissements comme le centre hospitalier spécialisé de Sevrey (Saône-et-Loire) ou de plus grands tel que l’hôpital d’Ajaccio sont plongés dans de graves difficultés à la suite de la souscription d’emprunts structurés ».

La commission observe que les établissements publics de santé « disposent d’un cadre comptable plus moderne [par rapport aux collectivités territoriales] qui leur impose la constitution de provisions ».

Néanmoins, « dans les cas les plus préoccupants, les provisions constituées ne suffiront pas et les établissements concernés devront être associés aux dispositifs de gestion du stock de dette structurée qui pourront être mis en place pour les collectivités territoriales », estime la commission.

Rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les emprunts toxiques du secteur local « d’une responsabilité partagée à une solution mutualisée »
http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-enq/r4030.pdf

cb/ab/APM polsan

CBOLF002 15/12/2011 17:25 ACTU