Nul n’était besoin d’engager le Haut Comité de Santé publique et la Cour des Comptes à établir un bilan du plan psychiatrie et santé mentale de 2005 pour se contenter en 2012 d’un nouveau plan qui ne répond pas aux insuffisances signalées par ces deux hautes instances soucieuses de coûts et d’efficacité des politiques publiques.
Nul n’était besoin d’annoncer depuis l’élaboration de la loi HPST qu’une réflexion spécifique pour la psychiatrie justifierait une loi d’organisation, d’engager pour cela la mission Couty et de publier un rapport sénatorial appelant lui aussi à une loi de santé mentale, pour au final réduire les travaux à un simple plan d’orientations sans pouvoir incitatif.
Cette priorité de santé publique que constitue la santé mentale, à en croire les nombreux rapports sur la psychiatrie, devra donc se contenter des 34 pages d’un simple assemblage de thèmes et de recommandations régulièrement déclinées depuis 15 ans sans qu’il soit donné réellement les moyens de les mettre en œuvre. Comment croire que de simples « orientations stratégiques » adressées aux ARS, dont l’absence de caractère incitatif leur confère au mieux la qualité d’une liste de vœux pieux, au pire celle d’un simple exercice de style adapté à une campagne électorale, puissent bâtir une politique de santé mentale, alors que la multiplicité des missions et la diversité des champs concernés obligeraient à des dispositions et des mesures législatives de portée nationale ?
Ainsi le ministère qui s’était montré particulièrement volontaire en matière de soins sans consentement pour mener en juillet 2011 une réforme législative alambiquée et contraignante, apparaît beaucoup plus en retrait lorsqu’il s’agit de redéfinir clairement l’organisation des soins psychiatriques, les moyens qui y sont consacrés et les indicateurs de résultat, le minimum pourtant nécessaire pour assurer la prévention et les prises en charge en santé mentale.
Après les réformes d’organisation sanitaire qui n’ont fait que gommer les spécificités de la psychiatrie et pulvériser son cadre juridique d’organisation territoriale, la « mission de service public psychiatrique de secteur » que la Cour des Comptes appelait à créer dans son bilan se réduit ici à la simple évocation d’une « mission de service public psychiatrique de proximité ». Derrière les formulations imprécises ou tarabiscotées, la volonté ministérielle d’enterrer l’échelon du secteur sous la nébuleuse d’ensembles plus vastes reste intacte.
Ce plan catalogue, où chaque acteur de santé mentale pourrait penser trouver l’orientation qui lui manquait, n’est en fait que la marque du désengagement de l’Etat pour mener la réforme d’organisation attendue des professionnels qui devrait préserver les spécificités de la psychiatrie nécessaires à la politique de santé mentale. Alors que les derniers rapports dénoncent les disparités territoriales, ces orientations stratégiques molles laissées aux initiatives de terrain et aux déclinaisons régionales ne pourront que les favoriser.
Dans cette entreprise d’évidement du secteur initiée par la réforme HPST, l’absence de cadre juridique propre à la psychiatrie installe la dérive de son organisation qui aura pour conséquence de produire ce que le plan prétend éviter : les ruptures de soins pour les patients.