Article des Echos du 13 septembre 2012 : L’hôpital guéri par l’esprit d’entreprise

Par Jean-Francis Pecresse

La quasi-cessation de paiements du CHU de Caen, mastodonte souffrant d’obésité chronique, est l’arbre malade qui cache une forêt de convalescents. Depuis trois-quatre ans, la situation financière des hôpitaux publics s’est, en effet, redressée de manière spectaculaire. Seuls une cinquantaine d’établissements étaient toujours en déficit en 2011, pour un montant global désormais inférieur à 1 % du budget de ce service public. Le cas du centre hospitalier de Versailles, auquel l’enquête des « Echos » d’aujourd’hui est largement consacrée, est symptomatique du succès des deux grandes thérapies administrées depuis moins d’une décennie aux hôpitaux : l’allocation des ressources financières en fonction du coût réel des soins et non plus du nombre de lits, la modification de la gouvernance qui a fait du directeur le seul patron d’un établissement jusque-là cogéré avec les médecins.

Ces deux réformes ont en commun d’avoir insufflé à l’hôpital un bénéfique esprit d’entreprise. C’est la tarification à l’activité qui a permis aux hôpitaux publics, ces dernières années, de reprendre des parts de marché aux cliniques privées dans le coeur du métier que sont la chirurgie et l’obstétrique. C’est parce qu’ils sont devenus des chefs d’entreprises publiques que nombre de directeurs d’hôpital ont pu redresser la barre de navires à la dérive. Il faut bien sûr se garder d’un diagnostic univoque. La réussite versaillaise montre combien le secret d’une bonne gouvernance hospitalière réside dans l’esprit de la loi plutôt que dans sa lettre. A l’hôpital, milieu complexe où le pouvoir se confronte à tant d’autorités différentes, le directeur doit savoir ne pas utiliser toutes les prérogatives données par la loi Bachelot de 2008 et associer le corps médical à ses décisions. Quant au mode de financement, il ne peut converger au-delà d’un certain point avec le privé, sous peine de sous-payer les missions d’intérêt général propres au service public.

Contrairement à ce qu’a martelé François Hollande pendant sa campagne, ce n’est pas faire insulte à l’hôpital que de le désigner comme une entreprise. Ce n’est certes pas une société commerciale en quête de profits, mais un producteur de soins désormais soucieux de concilier rentabilité et qualité. Ce fragile équilibre, qui s’appelle l’efficience, serait gravement menacé si le gouvernement confirme son intention de rétablir un partage du pouvoir à l’hôpital et d’empêcher les suppressions d’effectifs nécessaires aux restructurations et aux gains de productivité. Réinjecter à l’hôpital le virus de l’administration, c’est la rechute assurée.

http://www.lesechos.fr/opinions/edito/0202263392242-l-hopital-gueri-par-l-esprit-d-entreprise-361576.php