Aujourd’hui s’ouvre à Toulouse un grand colloque « Futurapolis, la ville de demain », où grands patrons, grands savants et grands intellectuels vont célébrer les noces du capitalisme débridé et de la technoscience irresponsable. Un évènement dont le programme suffit à donner le frisson.
Il y a quarante ans, face à l’essoufflement du capitalisme, les plus «grands économistes», issus des laboratoires les plus prestigieux, appuyés par les grandes institutions internationales et les grandes firmes transnationales, ont promis aux populations la paix et la prospérité dans un capitalisme globalisé, financiarisé, libéralisé, en expansion permanente grâce au marché tout-puissant par lequel les individus seraient enfin rois. Les élites politiques leur ont laissé les clés du monde. C’était la révolution néolibérale de Mme Thatcher et M. Reagan. Ce modèle s’enfonce aujourd’hui lamentablement dans une crise irréversible.
Mais les grands de ce monde n’ont pas d’inquiétude : les solutions existent, nous disent-ils. Elles sont révélées à Toulouse par Futurapolis, colloque organisé sous le haut patronage de François Hollande, introduit par le maire PS de la ville et le président PS du conseil régional, et organisé par Le Point et un comité d’experts.
Prix Nobel, ingénieurs et savants (INSERM, CNRS, CEA…), chefs d’entreprise, vont y inventer ensemble des « villes intelligentes » (smart cities) pour permettre aux habitants de la planète de «s’entasser dans des villes toujours plus gigantesques». Responsables politiques de gauche et de droite, maires de grandes villes, toute la «fine fleur de ceux qui transforment le réel et inventent demain », neuroscientistes, biologistes, révolutionnaires Data, spécialistes de l’énergie atomique, designers, post et transhumanistes qui vont nous apprendre à vivre avec des robots et à réparer notre corps et notre cerveau, sauveurs de la culture par le génie informatique, philosophes, nous organisent la ville «intelligente» où nous pourrons nous entasser en nous amusant et en regardant «quoi de neuf sur Mars».
La ville intelligente c’est le consensus enfin retrouvé, loin des batailles politiques, une ville neutre gouvernée par «un mélange d’électricité et de numérique, de bases de données et d’ordinateurs, de nouveaux moyens de produire de l’énergie et d’organiser le paysage urbain». La Banque mondiale prend bien en main « l’agriculture intelligente », groupes industriels et financiers investissent pour une « planète intelligente».
Dans cette apologie du salut par la science et la technologie, se lit le mythe trans-humaniste d’un progrès sans faille et sans alternative. Nulle place pour les humains en effet dans ce monde aseptisé et robotisé auquel de telles « élites » nous préparent : les problèmes concrets de la vie quotidienne, la précarité économique, la violence sociale, la tragédie écologique à venir de l’épuisement des ressources et du réchauffement climatique, tout cela est balayé par un déni psychotique de réalité érigé en propagande d’Etat. Comme sont éliminées du paysage toutes les expériences et l’intelligence collectives qui d’ores et déjà pensent et mettent en œuvre des villes lentes, des villes en transition.
Il s’agit de programmer l’homme-machine invulnérable dont le pouvoir néolibéral, financier et scientiste, a besoin pour poursuivre sa folle fuite en avant : dans ce cauchemar totalitaire, pressenti au siècle dernier par les auteurs de science-fiction, par des penseurs comme Hannah Arendt, l’humanité aurait-elle déjà disparu ?
Si vous voulez savoir ce qu’est le capitalisme vert, l’économie verte et l’homme refabriqué, consultez le programme et les intentions : http://www.univ-toulouse.fr/université/actualites/futurapolis-2013-arrive. Si vous avez des doutes, lisez le livre d’Attac, La nature n’a pas de prix, les méprises de l’économie verte, aux Éditions Les Liens qui Libèrent.
Attac France,
Paris, le 12 avril 2013