Article de Libération : Récit Un comité de suivi se tient aujourd’hui en pleine controverse sur la prise en charge des enfants

C’est une réunion importante qui se tient aujourd’hui au ministère de la Santé. La ministre en charge du dossier réunit le comité de suivi du plan Autisme 2013-2017. Or il est né sous les plus mauvais auspices, Marie-Arlette Carlotti, n’ayant rien trouvé de plus opportun que de relancer la sempiternelle guerre entre les prises en charge proches de la psychothérapie, et celles qui relèvent davantage de l’apprentissage et de l’éducation.
Le mois dernier, lorsqu’elle a présenté son plan, elle a eu des mots définitifs : «En France, depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple : ce sont celles qui marchent et elles sont recommandées par la Haute Autorité de santé.» Les pratiques qui réussissent étant, pour la ministre, celles reposant sur le comportementalisme et l’apprentissage.

Pétition. Ce vieux débat assombrit le climat actuel. De nombreuses associations de parents d’enfants autistes reprochent au milieu classique de la pédopsychiatrie, non seulement un manque de résultats, mais surtout un manque d’écoute, voire une culpabilisation à outrance. Certains parents ont préféré se tourner vers des thérapies comportementalistes, dans lesquelles ils avaient un rôle plus actif. L’an dernier, la Haute Autorité de santé avait même semblé leur donner raison, en cessant de recommander la psychothérapie pour la prise en charge des autistes. Il s’agissait d’une position étonnante. Dans son numéro d’avril, la revue Prescrire – dont les experts vantent d’ordinaire l’indépendance – a considéré que les thérapies comportementales étaient «sujettes à caution, car non évaluées» dans l’autisme.

Depuis ? Rien n’a vraiment bougé. Pire, depuis l’annonce de ce plan, la guerre est repartie de plus belle. «La position de la ministre est une honte», a contre-attaqué le monde de la pédopsychiatrie. Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire (1), qui avait tenu des assises avec les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Cemea), a lancé sur le champ une pétition, demandant le retrait immédiat dudit plan. En réaction, des associations de proches viennent de rédiger une contre-pétition : «Nous ne partageons pas nécessairement chaque point individuel de ce plan auquel le financement fait défaut, mais nous voulons, par cette pétition, affirmer clairement notre adhésion aux principes qui le fondent.» Et de citer, entre autres, le dépistage précoce, mais aussi «la prise en compte de la parole des enfants et de leurs proches». Cet appel a été signé par de nombreuses associations, dont Autisme France et l’Unapei (représentant les handicapés mentaux et leurs familles). Symbole de cette guerre de tranchées, un témoignage circule depuis quelques jours sur le site du Collectif des 39. «Mon nom est Pascale, je vis à Bastia, mon beau-père est militant, nous sommes parents d’un enfant de 10 ans, diagnostiqué autiste Asperger, broyé pendant cinq ans dans les CAMS [centres de l’autisme, ndlr] et hôpitaux de jour d’orientation psychanalytique. Nous avons été obligés de nous battre seuls pour le sortir de cet enfer… Alors pitié, arrêtez de défendre ces gourous psychanalytiques, alors qu’ils se foutent des enfants et de leurs familles maltraitées dans leurs centres. Ne vous inquiétez pas, ils tiennent encore tout, et ils bénéficient largement du financement public.» Et cette mère de citer un autre cas : «Il y a en maternelle un enfant qui présente des troubles autistiques flagrants, il est marocain, les instits mettent les troubles du comportement sur les problèmes d’accès à la langue, je ne sais comment faire pour les aider… Aidez-nous et écoutez-nous.»

«Défensive». Propos violents signe d’un divorce prononcé. Sur le site du Collectif des 39, ce témoignage a provoqué de multiples réactions. «Ce discours est banal et typique, a tranché une pédopsychiatre. Il caractérise un petit nombre de parents d’autistes extrêmement sur la défensive qui ne supportent pas l’idée de soin et de guérison, et qui souhaitent en réalité que leur enfant soit comme les autres.» «On est devant un échec de la prise en charge», note, plus pondéré, un psychiatre qui ajoute : «Il serait intéressant de pouvoir rencontrer cette personne pour mieux saisir ce qui s’est réellement joué dans cette histoire.» «Pourquoi ne pas s’arrêter un instant, analyser et comprendre les erreurs passées, s’interroge une psychologue, car au milieu, il y a des enfants autistes, bien souvent ballottés dans des prises en charge incertaines.» Et des parents, souvent à mille lieux des polémiques. Comme le raconte un documentaire mis en ligne sur le site de Libération, fruit d’un an d’enquête.

(1) Créé en 2008, ce collectif se bat pour une psychiatrie «ouverte» et «hospitalière».

Par ERIC FAVEREAU