Collectif des 39 : Meeting du 1er novembre 2014 en présence de 700 personnes

Communiqué de presse du 4 novembre 2014

Le premier novembre 2014, à la Maison de l’arbre à Montreuil, le Collectif des 39 a organisé un meeting afin de fédérer les résistances pour une hospitalité suffisamment bonne pour la Folie, continuer la réflexion critique au cours de forums et proposer des actions concrètes.

Les 700 participants sont repartis enthousiastes et réconfortés après cette intense journée d’échanges et de débats.

Le Fil conducteur a participé au meeting. Cet espace de parole émanant de l’atelier “familles” des Assises citoyennes pour la psychiatrie et le médicosocial est un collectif associant des proches de malades, des patients et des professionnels, tous concernés par la place des familles dans l’accompagnement de la personne malade.
Le matin, une introduction polyphonique et une table ronde sur les enjeux et réalités ont décrit la dégradation actuelle des conditions d’hospitalité, de soins et d’accompagnement de la Folie et les nécessaires résistances.
Sept cents personnes, des professionnels, des patients, des familles ont participé aux forums de l’après-midi (fonction soignante et pratiques du Collectif, continuité du lien et de la relation, pédopsychiatrie), afin d’échanger leurs points de vue et leur vivance dans le compagnonnage avec la folie. Les prises de parole ont été très nombreuses et engagées, parfois très émouvantes, sensibles et combatives. Cette possibilité de débattre, des disputes dans l’écoute et l’accueil des points de vue diversifiés ont donné une tonalité stimulante très appréciée.

Le discours simplificateur des tenants de la seule causalité biologique a été fortement critiqué, tant il inspire décisions politiques et lois qui produisent un démantèlement de la psychiatrie en attaquant la continuité du lien et de la relation, mettant à mal les patients, les familles et les professionnels.

Avec la participation de nombreuses associations professionnelles, de syndicats et d’organisations politiques engagés à nos côtés, des actions ont été adoptées pour stopper tout nouveau processus législatif sans qu’au préalable se tienne un grand débat national : l’organisation d’une conférence de presse commune est en préparation.

Le meeting s’est conclu par l’ appel du 1er Novembre: « ÇA SUFFIT ! », lu et adopté à l’unanimité des participants avec l’engagement de continuer les débats lors des prochains forums en région et à Paris organisés par le Collectif des 39 pour élargir la résistance à la dégradation de l’organisation des soins psychiatriques et au manque de moyens dont les patients subissent les conséquences.

Appel du meeting du 1er novembre 2014

ÇA SUFFIT Pour signer cliquez ici http://www.hospitalite-collectif39.org/?CA-SUFFIT
Les faits sont là, têtus et implacables

Tandis que la demande de soins croît – notamment pour les enfants -, les moyens humains se raréfient : diminution des postes d’infirmiers, marginalisation scandaleuse des psychologues, raréfaction des psychiatres (publics et privés).

La formation est manifestement insuffisante pour les infirmiers. Elle est réductrice, affadie et trompeuse pour les internes en psychiatrie, car la complexité de la discipline n’est que trop rarement prise en compte. Elle ne leur permet que trop rarement de choisir leurs options théoriques, de développer une pensée critique indispensable. Tous les étudiants subissent un formatage où règne la dimension binaire et réductrice du soin : aider le patient à comprendre ce qui lui arrive ne serait plus à l’ordre du jour. On leur apprend à traiter une maladie et non à soigner un être dont la souffrance représente aussi une protestation à accueillir.

Il en est de même de la formation des éducateurs et des travailleurs sociaux dispensée dans les Instituts Régionaux du Travail Social : soumise aux diktats de la « qualité » et de « la bientraitance », réductrice et opératoire, elle est complètement inappropriée à la dimension relationnelle de la rencontre éducative.

De plus, dans la vie quotidienne des services (publics ou privés), il n’y a plus de temps pour la transmission des savoir-faire, pour les réunions d’équipe, les échanges informels à propos des patients. Il faut, en revanche, consacrer du temps à remplir des petites cases avec « des petites et des grandes croix », remplir des obligations aussi ineptes que stériles pour qu’une pseudo qualité soit respectée, celle qui est imposée par la HAS. Cette Haute Autorité de Santé, institution antidémocratique, impose sans aucune retenue des protocoles étrangers à la culture des équipes soignantes, tyrannise par son souci d’homogénéité et de maîtrise de tous les acteurs, y compris la hiérarchie hospitalière. Comme organisme bureaucratique de haut niveau, elle « élabore » ses protocoles de soins pour tous. Or, en psychiatrie, le souci de l’homogène est anti thérapeutique, car le vif et le cœur de la pratique s’enracinent dans le caractère singulier de la rencontre thérapeutique : chaque acte de soin doit garder un caractère spécifique prenant en compte le contexte, l’histoire, ce que dit le patient du rapport à sa souffrance.

En fait c’est la bureaucratie, aux ordres du pouvoir politique, qui décide : la méconnaissance autant que la stupidité tentent d’imposer aux professionnels par le biais de lois, de circulaires et autres décrets des kits de bonne gestion, de bonne conduite, d’aide à la gestion des humains, soignants ou soignés. Comme dans le meilleur d’un monde robotisé et soumis aux diktats d’un pouvoir tout puissant, dont les bras armés sont les directeurs des Agences Régionales de Santé -ARS- aux pouvoirs déjà exorbitants qui vont être encore étendus avec le projet de loi santé.

Comment s’étonner alors du désarroi des familles devant l’isolement et l’enfermement (physique, psychique, symbolique) dans lesquels leurs proches se trouvent relégués tout au long de parcours de soins chaotiques, construits sur une multiplicité de soignants juxtaposés sans lien vivant. Comment ne pas comprendre la colère ou la détresse des familles face au peu de réponses qui leur sont apportées ou aux propos fatalistes, culpabilisants, ou péremptoires qu’elles entendent. Les patients disent être infantilisés, peu ou pas entendus, surmédiqués, étiquetés, soumis à l’arbitraire, avec perte de la liberté de circuler et menace permanente de la chambre d’isolement.

Car les faits sont là : autrefois rares, les chambres d’isolement et l’immobilisation des patients deviennent un « outil » banal d’un milieu qui ne sait plus ou ne peut pas faire autrement. Cette banalisation inacceptable trouve dans les « protocoles de mise en chambre d’isolement » sa justification déculpabilisante.

Le passage de « l’hospitalisation sous la contrainte » au « soin sans consentement » a permis l’extension de la contrainte jusqu’au domicile des patients, en ambulatoire. Les juges et les avocats, présents désormais en permanence à l’intérieur des hôpitaux, viennent cautionner, malgré eux, l’accélération des mesures de contraintes sous toutes leurs formes, là où ces professionnels du droit auraient dû venir défendre les libertés fondamentales.

La plupart du temps la contrainte n’est pas imputable au seul patient, elle est une construction sociale et clinique.

Tout cela dans un contexte où la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoire), dénoncée avant 2012 par l’opposition d’alors, est toujours en place avec l’actuel gouvernement. Cette loi organise l’hôpital moderne selon l’idéologie de l’hôpital entreprise, posant le cadre de cette rencontre inouïe et impossible entre la santé publique et la logique néolibérale de la gestion et du profit.

Que dire alors du secteur psychiatrique, cette « utopie nécessaire » qui a permis de sortir les patients des asiles, et qui a proposé une continuité des soins de proximité ? Tous s’accordent à le maintenir ! Mais tout en déclarant l’importance de ce dispositif, Mme Marisol Touraine veut tripler la population concernée par un secteur : de 70 000 habitants à 200 000. Si les parlementaires votent ce texte (inscrit dans la future loi de santé publique), le secteur risque de devenir une entité gestionnaire, un instrument de quadrillage, annulant alors les raisons mêmes de son existence

En pédopsychiatrie, la situation est très préoccupante.

D’une part, nous ne pouvons plus accepter un délai d’attente de plusieurs mois pour une consultation, ou deux à trois ans (!) pour l’admission d’un enfant en structure spécialisée – quand elle existe… L’insupportable côtoie l’absurde.

Par ailleurs, la politique du handicap, malgré quelques rares avancées sociales, produit des effets pervers majeurs. Actuellement nous vivons un double paradoxe: avec « un handicap », les enfants en grande souffrance accèdent plus difficilement aux soins, pendant qu’un grand nombre de simples « déviants » du système scolaire sont stigmatisés en handicapés. Mais pourquoi faut-il être handicapé, à coup de diagnostics psychiatriques et des certificats médicaux, pour pouvoir bénéficier de renforts purement pédagogiques (type l’aide d’un adulte non qualifié, AVS, ou classes à effectif réduit) ? Les agités, les redoublants, les indisciplinés etc…(le plus souvent issus des populations les plus précaires) se voient ainsi « psychiatrisés » par la voie généreuse du handicap. Nous récusons les mécanismes de récupération de la clinique psychiatrique par une politique du handicap qui transforme les marginalisés en anormaux.

Alors, au nom de quels impératifs organise-t-on méticuleusement depuis des années cette politique destructrice ? Financiers, théoriques, sociaux, économiques, ségrégatifs ?

Au nom de quoi devrions-nous accepter ?

Pourquoi devrions-nous taire nos convictions ?

Tout soin demande du temps : le temps de penser, de parler, de nouer des liens. Du temps pour comprendre, du temps pour que chaque collectif mette en place ses propres outils évaluatifs et ne perde pas ce temps précieux à répondre aux injonctions de l’HAS, dont la plupart des soignants reconnaissent qu’elles heurtent frontalement la dimension clinique de la pratique. Du temps pour une formation appropriée à nos pratiques, sans passer sous les fourches caudines de formations obligatoires qui organisent la disparition de la dimension singulière de chaque acte de soin.

L’HAS, par sa collusion entre une pseudo-gestion au nom de la science et une pseudoscience au nom de la gestion, est en train, contrôles incessants et accréditations orientées à l’appui, de dépolitiser les questions de santé en les écartant du débat de nos démocraties.

Dans les instances politiques, dans la cité, dans nos services, les espaces de débat et de contradiction deviennent rares ; l’absurde et la violence deviennent alors bien trop fréquents.

Ouvrons de toute urgence ce débat public, national, citoyen !

Organisons la riposte massive qui s’impose !

Avec tous les réfractaires à la résignation !

Avec tous ceux qui ne veulent pas cesser de se réinventer, de rêver, de créer !

Avec toutes les associations syndicales, scientifiques et politiques concernées.

Pour que la démocratie retrouve ses droits.

Afin que puisse s’élaborer l’écriture d’une loi cadre en psychiatrie.

Une loi dont tous les patients, les familles, les soignants ont un besoin immédiat pour permettre une refonte des pratiques de la psychiatrie.
http://www.collectifpsychiatrie.fr