Séminaire : Ethique désaliéniste et discours psychanalytique, les mercredi 21 Janvier, 11 février et 11 mars 2015 à 21 heures

Franck Chaumon

Les mercredi 21 Janvier, 11 février et 11 mars 2015

à 21h

ITP, 83 Bd Arago

75014 Paris

« La folie ne peut se trouver à l’état sauvage » : la formule de Michel Foucault est plus que jamais actuelle pour s’opposer au positivisme ambiant. Dit autrement : on ne peut dissocier la folie du discours qui la nomme, de la raison qui la sépare, de la vérité au nom de laquelle on l’isole.

On a pu vérifier la pertinence de ce propos encore récemment, lors de la polémique à propos de « l’autisme », véritable bataille dans la langue visant à promouvoir certains noms et en proscrire d’autres. Dire qu’il s’agit là de folie, ou bien de trouble, ou de handicap est ainsi apparu au grand jour comme fait de discours, et donc comme enjeu de territoires et de pouvoirs. Or il se trouve que ce nom d’« autisme », promu pour écarter la question de la folie à cet endroit, a servi dans le même temps de fer de lance à une attaque violente de la psychanalyse, mettant en cause sa légitimité à se
faire lieu d’adresse de la question. Jamais peut-être dans la culture, folie et psychanalyse n’ont ainsi été nouées sur la scène politique.

Les psychanalystes se sont trouvé devoir répondre de leur position à cet endroit, c’est à dire de leur manière d’aborder la question de la folie. Ils pouvaient d’autant moins s’y dérober qu’ils avaient en mémoire la fameuse interpellation de Lacan : « La psychose, c’est ce devant quoi un psychanalyste ne doit reculer en aucun cas ». Cette phrase se donne comme impératif éthique, elle porte à conséquence dans la culture, et dans la politique.
Je reprends volontiers à mon compte cette formule, mais en substituant le terme de folie à celui de psychose. « La folie, c’est ce devant quoi un psychanalyste ne doit reculer en aucun cas. » Je justifie la substitution psychose/folie de ceci que les praticiens rencontrent en premier lieu la psychose à l’état de folie au sens de Foucault, à savoir avant tout dans les discours, les lieux, les dispositifs de la psychiatrie et des institutions dites médico-sociales.
On sait que dans l’Histoire de la folie, ce que Foucault nomme « discours psychiatrique » se constitue dans un rapport précis d’exclusion de la Raison cartésienne. Que la folie ne se rencontre pas à l’état sauvage signifie simplement qu’elle ne se peut dissocier des lieux et des moments où s’effectue le partage de la raison.
La question – clinique et éthique – se pose de savoir en pratique comment prendre acte de cette lecture foucaldienne pour situer le discours psychanalytique, par exemple dans le champ psychiatrique, et ainsi « ne pas reculer ». Il y a là toute une histoire certes, mais qui ne me semble pas avoir été formalisée comme telle du point de vue de la psychanalyse. Je tenterai d’avancer quelques propositions, quitte à faire un détour par une explicitation des théories des discours selon Foucault et Lacan.
Mais l’essentiel de mon propos se situera ailleurs. Je tenterai de présenter la critique du discours psychiatrique qui me parait la plus simple et la plus aboutie dans sa radicalité, celle dite du désaliénisme, de Lucien Bonnafé. Cette critique, dont la radicalité est remarquable et surprenante, doit être dépliée dans sa rigueur et son ambition, au-delà de l’humanisme dont on la crédite habituellement. Comme on sait, elle n’est pas dissociable de son moment d’émergence historique, à savoir de l’épreuve des concentrations asilaires et l’expérience de la résistance. Il
s’agira d’en situer le lieu.

Dans un deuxième temps, je relirai cette histoire à partir de la publication de l’Histoire de la folie qui est venu faire fracture dans un champ psychiatrique désormais en deuil de son unité d’origine (Henri Ey), et qui permet de situer le désaliénisme comme éthique et comme politique. J’essaierai de dire en quoi soutenir cette position critique permet de situer la place du discours analytique dans ce qu’il convient de nommer les pratiques de la folie.