Le Conseil de l’Ordre des médecins a engagé la profession médicale et a ajouté au désordre des esprits
Le Conseil de l’Ordre des médecins a soutenu la manifestation des médecins « libéraux » du 15 mars.
Il a engagé la profession médicale et il a ajouté au désordre des esprits.
Il reproche à la ministre de la Santé de conclure les discussions en cours trop brutalement.
Pour lui, surtout, le projet de loi Touraine porte « la philosophie qui conduit à une médecine réglementée et administrée, mettant en péril le fondement de notre système de soins sur l’indépendance de l’exercice médical ». Ceci dit, il reprend les termes du regroupement corporatiste CSMF qui elle-même s’affirme comme fidèle alliée de la Fédération de l’hospitalisation privée, lobby patronal de l’hospitalisation privée. C’est la même FHP qui participa à la manifestation de début 2014 avec la CGPME « contre l’environnement législatif trop lourd pour les entreprises et néfaste à l’emploi ».
On comprend que les syndicats de médecins hospitaliers n’aient pas appelé à cette manifestation du 15 mars. Clairement, le Conseil de l’Ordre ne représente, en soutenant cette manifestation, qu’une fraction des médecins, face aux autres médecins, et surtout face aux intérêts du plus grand nombre. Mais force nous est de constater que cette manifestation a reçu le renfort de jeunes médecins et nombre de professionnels de bonne foi auxquels nous voulons nous adresser particulièrement.
En réalité, le projet de loi Touraine, loin d’être une volonté de diminuer les profits des chaînes de cliniques privées et de leurs actionnaires, s’inscrit dans le prolongement de la loi HPST, dite loi Bachelot.
Voici trois de nos arguments contre ce projet de loi :
– 1. C’est toujours la logique comptable qui y est aux postes de commandes, sous le contrôle tatillon des Agences régionales de santé. Or, l’hôpital public voit l’austérité le désorganiser, avec sa gestion autoritaire ; cette logique persiste dans ce projet de loi. Pire encore, dans ce projet de loi, le maître mot, c’est celui « d’établissement de santé », quel que soit le statut privé lucratif ou public. C’est la concurrence entre tous les établissements hospitaliers qui est prévue, bien loin de la « mise à mort » de l’hospitalisation privée évoquée par ce lobby.
– 2. Ce projet de loi, comporte aussi une logique de contrôle sociale trop peu évoquée. C’est au nom de la prévention des soins qu’il y est prévu une menace sur le secret médical et la confidentialité des données. Ces données sont hautement sensibles ; leur partage élargi prévu porterait alors atteinte à l’intimité et au respect de la vie privée. Le Conseil de l’Ordre s’en souciera-t-il ?
– 3. Nous sommes opposés au rôle accru des complémentaires de santé « appelés à contribuer de façon décisive à la politique de santé » dans ce projet de loi. Comme nos amis du Syndicat de la Médecine Générale, nous demandons un tiers payant généralisé géré par un guichet unique au sein de l’Assurance maladie. Dans cette manifestation, certains ont dénoncé l’« étatisation » de la médecine, d’autres sa « privatisation ». Paradoxalement, nous sommes d’accord avec les uns et les autres : l’Etat néolibéral est au service des intérêts privés des chaînes de cliniques, des laboratoires pharmaceutiques et des assurances privées (type AXA). C’est une privatisation de l’Assurance maladie au-delà de son démantèlement qui est annoncée et préparée depuis des années et toujours à l’ordre du jour de ce projet de loi. Le conventionnement de médecins auprès d’assureurs privés est préparé par ces assureurs privés, selon le modèle en vigueur aux Etats-Unis.
Ce rôle des assurances privées est voué à devenir hégémonique, en lien avec celui des chaînes de cliniques privées, dans cette logique néolibérale porté par le projet Touraine.
Voilà pourquoi nous sommes opposés à ce projet de loi pour des raisons opposées radicalement à celle de la FHF, de la CSMF et de ce communiqué du Conseil national de l’Ordre.