En France, chaque jour, on enferme, on immobilise, on attache, on sangle, des personnes malades.
Ces pratiques de contention physique d’un autre âge se déroulent quotidiennement dans ce pays. Ces pratiques dégradantes avaient quasiment disparu. Or les contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté, Jean marie Delarue puis Adeline Hazan, l’ont constaté, elles sont désormais en nette augmentation, qui plus est banalisées comme des actes ordinaires.
Dans le projet de loi « de modernisation du système de santé » on lit même que ces actes auraient des vertus thérapeutiques!
Nous l’affirmons : Ces actes ne soignent pas.
Nous soignants, patients, familles, citoyens ne pouvons accepter que ces pratiques perdurent.
Les patients qui les ont subies en témoignent régulièrement, elles produisent un traumatisme à jamais ancré dans leur chair et dans leur cœur.
Dire non aux sangles qui font mal, qui font hurler, qui effraient plus que tout, c’est dire oui :
– C’est dire oui à un minimum de fraternité.
– C’est remettre au travail une pensée affadie, devenue glacée.
– C’est poser un acte de régénérescence.
– C’est trouver et appliquer des solutions humaines à des comportements engendrés par d’énormes souffrances, mais qui peuvent paraître incompréhensibles ou non traitables autrement.
Or nous, nous savons que l’on peut faire autrement. Cela a été fait durant des décennies, cela se fait encore dans certains services.
Mais ce savoir faire est en train de se perdre au profit de la banalisation grandissante de ces actes de contention.
Nous l’affirmons : accueillir et soigner les patients, quelle que soit leur pathologie, nécessite d’œuvrer à la construction de collectifs soignants suffisamment impliqués et engagés dans le désir d’écouter les patients, de parler avec eux, de chercher avec eux les conditions d’un soin possible.
Un minimum de confiance, d’indépendance professionnelle et de sérénité est à la base de ce processus.
Or le système hospitalier actuel malmène et déshumanise les soignants.
L’emprise gestionnaire et bureaucratique envahit le quotidien : principe de précaution, risque zéro, techniques sécuritaires, protocolisation permanente des actes, réduction du temps de transmission entre les soignants etc… Elle dissout petit à petit la disponibilité des acteurs de soins : comment alors prendre le temps de comprendre, de chercher du sens, de penser tout simplement que le patient, si inaccessible soit-il, attend des réponses et des solutions humaines à même de l’apaiser.
Ce contexte nuisible trouve dans la banalisation des actes de contention physique sa traduction « naturelle », expression du désarroi et/ou du renoncement.
Repenser la formation, donner de toute urgence des moyens nécessaires à cette mission complexe et difficile est la moindre des choses et ouvrirait la voie à la réinvention de l’accueil et du soin.
Pensez-y. Qui d’entre nous supporterait de voir son enfant, ou son parent proche, ou un ami, en grande souffrance, attaché, ligoté, sanglé ? Qui accepterait de s’entendre dire que c’est pour le bien de cette personne chère ? Qui pourrait accepter un tel acte alors qu’il est possible d’agir autrement ? Car il est possible d’agir autrement !
Mesdames, messieurs les parlementaires, nous savons que parfois il vous faut beaucoup de courage pour élaborer des lois qui semblent aller à contre-courant des idées reçues ! La maladie mentale fait peur. Le traitement de différentes affaires tragiques, mais totalement minoritaires, par les médias alimente cette peur. Ne pas céder à cette peur nous revient, vous revient à vous les élus du peuple.
Il nous revient d’affirmer haut et fort qu’une vision sécuritaire de la psychiatrie va à l’encontre du besoin légitime de sécurité protectrice que soignants, patients et familles réclament.
Proscrire la contention physique permettra aux patients, aux familles, aux soignants de retrouver une dignité nécessaire et indispensable pour traverser les dures épreuves de cette souffrance psychique inhérente à l’humanité de l’homme.
Rien n’est hors de portée de l’intelligence humaine ! Mesdames, messieurs les parlementaires ne laissez pas les patients soumis à des traitements qui ne sont pas des soins !
Quelle Hospitalité pour la folie ?
Collectif des 39
http://www.collectifpsychiatrie.fr