A lire sur les réformes hospitalières, sur la privatisation de la médecine de ville et sur les réseaux de soins

À lire :La réforme de l’hôpital public-Un management sans ménagement
par Jean-Paul Domin , le 5 avril
http://www.laviedesidees.fr/La-reforme-de-l-hopital-public.html

La médecine de ville en France : la grande transformation ? Vers une privatisation de la médecine de ville ?
par Nicolas Da Silva & Maryse Gaudreau (Economistes) , le 22 mars
La récente loi de modernisation du système de santé a fait du tiers-payant le pilier d’une réforme dite « sociale ». Un détour par l’histoire de la médecine libérale montre toutefois l’ambivalence de cette réforme qui va également dans le sens d’une privatisation plus prononcée de la médecine de ville.
http://www.laviedesidees.fr/La-medecine-de-ville-en-France-la-grande-transformation.html

CONDITIONS D’EXERCICE par Véronique Hunsinger le 05-04-20163
Réseaux de soins : virés par la porte, ils reviennent par la fenêtre
Recadrés par la loi Le Roux, il y a tout juste deux ans, les réseaux de soins n’en continuent pas moins leur stratégie d’entrisme en médecine. Et, pour la toute première fois, visent les dépassements d’honoraires en contractualisant avec les établissements de soins privés. Et non plus les médecins.
Honnis des représentants des médecins libéraux, les réseaux de soins continuent de tisser leur toile et pas toujours là où on les attendrait.
Dans les prochains jours, vos patients assurés, pour leur complémentaire santé, chez Allianz, la Maaf, la MMA ou la mutuelle d’Air France vont recevoir une information sur une nouvelle offre concernant la chirurgie orthopédique leur garantissant un remboursement intégral – et en tiers payant –de la chambre particulière, de la télévision, du wifi et des honoraires médicaux. Dépassements compris, et c’est là la nouveauté. À terme, 9 millions d’assurés auprès de 46 complémentaires pourront en bénéficier…
Officiellement, depuis la loi Le Roux de janvier 2014, les mutuelles, instituts de prévoyance et autres assureurs privés ne peuvent monter des réseaux de soins que lorsqu’ils remboursent plus de la moitié d’une prestation ou d’un dispositif, ce qui exclut de fait les honoraires médicaux.
Et en ce sens, ce nouveau conventionnement astucieux imaginé par le prestataire Santéclair pour ses clients ne contrevient pas à la loi puisque ce n’est pas avec les praticiens, mais avec les directions des établissements que sont signés les contrats.
« Il y a beaucoup de polémiques syndicales sur les réseaux, ce qui ne facilite pas la compréhension du sujet », estime Marianne Binst, directrice générale de Santéclair, une plate-forme de services pour complémentaires dont le métier est de « permettre au client final qu’est le patient d’obtenir un bon rapport qualité/prix dans le système de santé.

Offre tout inclus
Plusieurs mutuelles sont elles-mêmes aussi en train de travailler sur des nouveaux conventionnements avec des établissements de santé ainsi que d’autres prestataires. Mais Santéclair a pris une longueur d’avance sur ce segment puisqu’il propose déjà depuis cinq ans des conventionnements pour la chirurgie réfractive, un acte qui n’est pas du tout remboursé.
« Historiquement, nous avions débuté les réseaux sur des actes qui génèrent un reste à charge très important pour le patient, en particulier le dentaire, l’optique et les audioprothèses, explique sa fondatrice. Puis nous nous sommes intéressés à l’ostéopathie et aux diététiciennes. »

Un nouveau pas est franchi avec ces conventionnements en chirurgie.
« Ce ne sont pas des réseaux à proprement parler mais on est complètement dans la même logique, assume sans fard Marianne Binst. Nous avons lancé un appel d’offres à l’automne, puis signé des contrats avec une quarantaine d’établissements répartis sur toute la France, dont 60 % de cliniques. Cela a été relativement long de les convaincre car ils ont été hésitants et ont subi parfois des pressions. De leur côté, avec ce type d’actes, les patients se plaignent beaucoup de ne pas comprendre ce qui est à leur charge et combien ils doivent payer de leur poche. C’est pourquoi nous proposons cette offre « all inclusive » qui garantit un reste à charge zéro. »
Les établissements ont été sélectionnés sur des critères de qualité et de performance. La complémentaire assure à l’établissement un paiement forfaitaire, à lui de s’y retrouver.
« Nous avons regardé les certifications des établissements ainsi qu’un certain nombre de critères comme le taux de réhospitalisation, les durées moyennes de séjour et l’envoi en soins de suite et réadaptation, explique la directrice de Santéclair. Les établissements les plus performants sont aussi sources d’économies. C’est ce qui, à terme, nous permet de financer l’ensemble de la prise en charge. » Au risque de favoriser les cliniques performantes et d’enfoncer les moins bonnes, en orientant les patients vers les premières.
« C’est une façon contournée de mettre en place des réseaux de soins, tonne le Dr Jérôme Vert, président de l’AAL, l’Association des anesthésistes libéraux syndicat des anesthésistes libéraux l’une des trois composantes du Bloc. Nous y sommes opposés car c’est la fin de la liberté de choix pour les patients.
Et surtout c’est le risque pour les cliniques et pour les praticiens de se retrouver captifs d’un système qui n’a pas pour but d’augmenter la qualité mais de faire baisser les coûts.
Il faut également avoir à l’esprit que les complémentaires voudront aussi imposer le matériel aux médecins, car ils négocieront des tarifs avec les fabricants. » Ce qui n’est pas le cas pour l’instant dans le dispositif imaginé par Santéclair.

Baisse des compléments d’honoraires
Ce sujet fait l’unanimité syndicale. « Il n’est pas admissible qu’un directeur d’établissement s’engage pour autrui sur la limitation des compléments d’honoraires puisque ceux-ci sont, par définition, à la discrétion du praticien selon l’intervention et la situation du patient, dénonce également le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Csmf. Cela veut dire que le directeur de l’établissement aura intérêt objectif à faire pression sur les médecins pour qu’ils baissent leurs compléments d’honoraires afin de respecter le contrat avec la complémentaire. Je m’interroge même sur la validité juridique de ces contrats. »
Pour MG France également, ces conventionnements sont une mauvaise réponse à une vraie question, celle de l’accès aux soins. « Que des responsables de cliniques et de complémentaires fassent leurs affaires ensemble est déjà ambiguë en soi et menace l’indépendance du médecin, souligne le Dr Claude Leicher, président de MG France. Cela pose aussi une question de fond et conforte notre position, qui a toujours été de valoriser la notion de relation conventionnelle entre les syndicats de médecins et l’assurance maladie ainsi que de défendre le secteur 1 qui protège les praticiens des tentatives d’accaparement par les régimes complémentaires.

Tarifs plus bas imposés
Une analyse corroborée par les chirurgiens-dentistes, qui ont vingt ans d’expériences variées des réseaux de soins. Dès 1996, un protocole avait été signé entre la Confédération nationale des syndicats dentaires (Cnsd) et la Mgen, puis également la Mutualité de la fonction publique. Les deux tiers des 36 000 chirurgiens-dentistes y participent, alors que seulement deux à trois milliers font partie à titre individuel de réseaux de soins avec des complémentaires.
« Le protocole que nous avons signé avait été négocié collectivement, et il prévoit des plafonds d’honoraires dans lesquels entrent environ 90 % de la profession, souligne Catherine Mojaïsky, présidente de la Cnsd. Le dispositif est cogéré et il a également permis d’améliorer l’accès aux soins des patients adhérents de ces mutuelles.
En revanche, nous sommes complètement opposés aux autres réseaux qui sont en réalité la mise en place d’accords directs entre les assureurs complémentaires et les praticiens. Tout d’abord parce que ces réseaux ont imposé des tarifs plus bas que la moyenne et ensuite parce que les patients sont détournés de leur dentiste traitant vers des praticiens de ces réseaux. Cela casse la relation de confiance entre le patient et son soignant. »
En tout cas, ce nouveau petit pavé dans la mare de Santéclair trouble déjà un certain nombre d’acteurs. Le président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), Lamine Gharbi, avait lancé une mise en garde, il y a quelques mois, à certains de ses adhérents qui avaient cédé aux sirènes des assurances privées, avant de se montrer beaucoup plus discret depuis et de ne plus vouloir s’exprimer sur le sujet.
Officiellement, la FHP ne donne pas de consignes aux cliniques et se dit désormais « prête à ouvrir le dialogue avec les organismes complémentaires pour anticiper les initiatives et prévenir les risques ». Dans les faits, la Fédération semble divisée entre, d’un côté, les cliniques de MCO qui sont plutôt intéressées par l’initiative de Santéclair qui, en solvabilisant les dépassements d’honoraires, met finalement sur un pied d’égalité le privé, le public et les établissements de SSR qui redoutent à terme l’impact d’une diminution de leur patientèle.
Les représentants des complémentaires sont également prudents : le modèle du conventionnement hospitalier mutualiste fait actuellement l’objet d’une analyse au sein de la Mutualité française (Fnmf ) car pour la première fois la question des dépassements d’honoraires des médecins y est englobée.
« Le contexte de la loi Le Roux interdit bien aux complémentaires de négocier avec les médecins, mais il n’est pas interdit d’être habile », observe un bon connaisseur du secteur. Néanmoins, pour la Mutualité française, ce sont essentiellement les contrats d’accès aux soins souscrits par les médecins qui réguleront les dépassements d’honoraires.
« Aujourd’hui, la prise en charge et la modération des dépassements ne sont pas concernées par les conventionnements hospitaliers mutualistes, relève Jean-Martin Cohen Solal, délégué général de la Mutualité française. Ces derniers, qui profitent à 80 % de nos adhérents et couvrent environ 60 % du parc hospitalier, permettent déjà un meilleur remboursement de la chambre particulière dont nous avons, par ailleurs, réussi à faire diminuer le coût. » Dans le même temps, la Mutualité française défend également le principe des réseaux de soins dont elle a été un temps exclue après une décision de la Cour de cassation en 2010. La loi Le Roux a remis les mutuelles dans le jeu en même temps qu’elle a interdit aux complémentaires de contractualiser avec les médecins.

Suppression des réseaux
« Les réseaux sont un dispositif gagnant-gagnant pour les complémentaires, les professionnels concernés (opticiens, audioprothésistes, chirurgiens-dentistes) et les patients, car ils permettent un meilleur accès et une meilleure qualité des soins, plaide Jean-Martin Cohen Solal. L’expérience des réseaux dans le domaine de l’optique est très intéressante : ceux-ci ont permis une maîtrise du reste à charge importante tout en apportant des garanties de qualité, car il est très difficile pour un patient tout seul de savoir sur quels critères discuter de la qualité de ses lunettes avec son opticien. »
Un argument qui ne convainc toujours pas les médecins libéraux. Ces derniers ont néanmoins l’oreille de quelques politiques.
Une proposition de loi du député Les Républicains Daniel Fasquelle, déposée en octobre dernier, propose d’interdire aux complémentaires de « pratiquer ou de proposer des remboursements différenciés pour un soin, une prestation ou un dispositif identique ». Ce qui reviendrait à supprimer les réseaux. Si cette proposition de l’opposition n’a aucune chance d’aboutir avant la fin de la législature, elle montre que le débat est loin d’être clos.
Pendant ce temps, les réseaux et autres conventionnements se poursuivent. Santéclair a lancé une expérimentation dans la chirurgie de la cataracte, incluant les implants progressifs, qui ne sont aujourd’hui pas remboursés par la Sécu, et envisage des nouveaux réseaux dans la chirurgie de l’épaule et à l’horizon 2017 dans la chirurgie digestive.
Peut-on imaginer un jour un conventionnement de ce type entre des complémentaires et des maisons de santé ? « La loi Le Roux est assez claire pour empêcher les complémentaires de contractualiser avec les généralistes, temporise Claude Leicher. Le second verrou est que dans les contrats dits responsables [soit la quasi- totalité des contrats, Ndlr], les complémentaires sont obligées de prendre en charge tous les actes et prestations des médecins traitants ». La liberté de choix de son médecin traitant reste donc encore la moins menacée.


« Les réseaux favorisent une médecine low cost »
Frédéric Bizard est enseignant à Sciences Po, proche du syndicat le Bloc, et l’auteur d’un rapport intitulé « Réseaux de soins conventionnés, pourquoi il faut les supprimer », qui a inspiré une proposition de loi antiréseaux présentée par le député LR Daniel Fasquelle, à l’automne dernier.
Qu’est-ce qu’un réseau de soins ?
Frédéric Bizard : C’est un système qui existe depuis près d’un siècle aux États-Unis et qui s’est développé en France dans les années 1990. Un réseau, c’est l’établissement d’une convention entre un financeur et un offreur de soins sur la base de trois critères : le prix, le volume et la qualité. Comme l’objectif est de diminuer les coûts, l’assureur promet un apport de patientèle. Ce qui n’est pas toujours bien perçu est que le réseau a vocation à devenir acheteur de soins.
Le professionnel de santé n’y a-t-il pas un intérêt ?
Non, car au départ le promoteur du réseau apparaît toujours sympathique et conciliant avec les professionnels de santé puisque son objectif est d’y faire entrer le plus de gens possible. Il propose donc des conditions tarifaires et qualitatives des plus arrangeantes. C’est ce qui s’est passé avec les dentistes et les opticiens. Mais une fois le réseau constitué, au moment où les contrats sont renouvelés, généralement au bout de trois ou quatre ans, la complémentaire renégocie et durcit les conditions. Et là, le professionnel de santé se retrouve dans un « dilemme du prisonnier ». Il peut bien entendu sortir du réseau, mais si ses concurrents y restent il court le risque de perdre une partie de sa patientèle.
Les réseaux n’ont-ils pas néanmoins un intérêt du point de vue de l’accès aux soins ?
Non, on a vu que les réseaux ont plombé le système de santé américain. Cela ne marche pas parce que l’équation de départ est biaisée. Dans le domaine de la santé, sur un marché mature comme la France, on ne peut pas favoriser la qualité simplement en augmentant les volumes et en baissant les prix. On est typiquement dans une économie de l’innovation, et celle-ci a un coût. Les réseaux favorisent uniquement des soins low cost et une médecine à deux vitesses selon que le patient a les moyens financiers de choisir son médecin ou qu’il est obligé de consulter dans le réseau pour bénéficier de remboursements satisfaisants. Le réseau, c’est une stratégie de gestion du risque purement assurantielle et court-termiste.

Attention aux réseaux de soins
De la Sécurité sociale aux mutuelles : l’étau se resserre autour des patients et des médecins

Attention aux réseaux de soins !

Si pour le patient s’assurer personnellement pour la santé ou la retraite relève de la plus élémentaire sagesse (les caisses de la sécu sont vides et le système des retraites est une pyramide de Ponzi qui ne permet pas d’assurer aux futurs retraités qu’ils survivront dignement), il est en revanche beaucoup plus contestable que les assureurs ou les mutuelles proposent aux médecins d’entrer dans leur réseau.
Le payeur est le décideur.
Un médecin ou un chirurgien qui accepterait de signer un contrat avec un réseau doit comprendre qu’il perdra sa liberté exactement comme il l’a perdue par la soumission à la Sécurité sociale. S’il reste du libéralisme à cette profession, elle perdra toute indépendance en acceptant de se soumettre aux règles d’un assureur ou d’une mutuelle. Les mutuelles ne doivent pas obliger les médecins à s’affilier, mais peuvent garantir les remboursements quel que soit le médecin choisi par le patient.
Il y a des tractations qui se font en ce moment, malheureusement peu de médias grand public en révèlent la teneur.
La Sécurité sociale étant moribonde, Marisol Touraine (aidée par ses prédécesseurs) a trouvé une solution auprès des mutuelles. Celles-ci vont progressivement et insidieusement remplacer la Sécurité sociale pour le remboursement des soins. En effet les mutuelles ont le droit de créer des réseaux de soins à partir du moment où la Sécurité sociale prend en charge moins de 50% du remboursement. Il n’y a plus qu’à faire baisser la part de la Sécurité sociale pour autoriser les mutuelles à créer leurs réseaux de soins.
Le patient n’y verra pas de différence. Avec le tiers payant généralisé, il ne déboursera plus rien, et il faudrait qu’il regarde le détail de la feuille qu’il recevra ensuite pour savoir qui a payé quoi et combien (combien de patients regardent la note de la pharmacie pour savoir combien coûte la boîte de médicaments ?). Et voilà la magie du tiers-payant généralisé : faire disparaître la proportion prise en charge par la Sécu et par la mutuelle, cette proportion cruciale pour légaliser les réseaux.
Qu’y gagnent les mutuelles ? Un marché énorme. En volume financier d’abord. Car si la Sécurité sociale se désengage, les Français devront payer de plus en plus cher pour obtenir un remboursement correct de leurs soins (selon toute probabilité les cotisations à la Sécurité sociale ne baisseront pas, tandis que pour avoir une couverture plus performante il faudra prendre auprès de sa mutuelle une option supplémentaire qui porte déjà le nom de « sur-complémentaire »)
Marché énorme aussi en nombre d’affiliés. Les salariés étant obligés d’adhérer à la mutuelle que leur impose leur entreprise, Marisol Touraine veille donc à ce que les mutuelles ne perdent pas le moindre client potentiel. Chaque Français sera ficelé à une mutuelle, en plus de l’être à la Sécu.
C’est une stratégie très finement élaborée, car si les règles de la concurrence européenne finissent un jour par s’appliquer en France, les assurances et les mutuelles devraient être mises en concurrence avec celles des autres pays européens. En imposant sa mutuelle pour tous les salariés, Marisol Touraine bloque donc d’ores et déjà toute possibilité d’ouverture du marché français de l’assurance privée en le saturant avec les mutuelles françaises qui peuvent afficher le sourire satisfait de celui qui a fait une bonne affaire.
C’est pourquoi il est capital de bien comprendre ce qui se profile avec les réseaux de soins : ils ont beau être gérés par des entreprises privées, ils sont néanmoins en collusion avec l’État qui leur a garanti un marché. Il ne s’agit pas d’une « dérégulation », ou d’une mise en concurrence d’assurances, il s’agit de placer les copains au bon endroit, la plupart des dirigeants de la Mutualité Française et des mutuelles en général ayant circulé dans les couloirs des ministères
Pire, les médecins font partie du cadeau : le ministère de la Santé ne se contente pas de se décharger du poids financier de la dette de la Sécurité sociale, il livre aux mutuelles l’ensemble des praticiens médicaux et paramédicaux déjà très encadrés par l’État. Autrement dit, les médecins déjà prisonniers de la Sécu, seront désormais liés aux mutuelles s’ils acceptent d’entrer dans les réseaux. Cela fait partie du cadeau que Marisol Touraine fait aux mutuelles. Dans ce contexte, si le taux de remboursement de la Sécurité sociale baisse au profit du remboursement par la mutuelle, les patients seraient pris en charge davantage par leur mutuelle que par la Sécu. Et avec la mise en place du tiers-payant généralisé, les médecins seraient payés directement… par la mutuelle. Bien sûr mieux payés, ou plus rapidement, s’ils sont entrés dans le réseau de celle-ci plutôt que celle-là.
Ils passeront d’une prison à une autre.
Il n’y a qu’à lire Guillaume Sarkozy, président du groupe Malakoff-Médéric qui dit à l’intention de ses clients :
« Il reviendra bientôt à mon assureur (complémentaire) de me conseiller, et de m’indiquer les questions à poser au chirurgien : quel est le taux d’infection nosocomiale, quelle est la qualité de la prothèse ? Quel est le taux de reprise ? Combien de fois avez-vous fait le geste ? Combien de jours vais-je rester à l’hôpital ? »
Que les patients s’assurent, c’est incontournable. Mais il faut qu’ils gardent la liberté de choisir leur médecin sans être obligés de le piocher dans la liste fournie par la mutuelle. Il faut qu’ils n’aient aucun doute sur les motivations de leur praticien qui ne doit prendre de décision qu’en fonction de son patient et non en étant aux ordres d’une mutuelle ou d’un assureur. De leur côté, médecins et chirurgiens doivent être conscients que signer un accord avec une mutuelle les soumettra tout autant qu’avant : les tarifs que la Sécurité sociale a imposés aux médecins seraient alors imposés par les assureurs. Que ce soit l’État qui impose ou l’assureur épaulé par l’État, c’est pareil : le médecin se retrouvera à nouveau dans un étau.
Il y a une pénurie de médecins et elle atteint son maximum. Les médecins sont donc en position de force pour imposer leurs choix, ils ne doivent pas croire qu’ils sont tributaires de la Sécurité sociale ou d’une assurance pour remplir leur cabinet. Beaucoup pensent qu’ils ne vivraient pas si le prix de la consultation n’était pas pris en charge. Cela les a rendu dépendants et incapables de fixer eux-mêmes le prix de leur savoir qui vaut donc 23 euros.
Étienne Caniard, Président de la Mutualité Française, ancien administrateur de la CNAM, a travaillé aux côtés de Bernard Kouchner, a été membre de la Haute Autorité de Santé (HAS), et du Conseil Économique et Social.
Jean-Martin Cohen-Solal, délégué général de la Mutualité Française, a occupé différents postes au ministère de la Santé, a été conseiller santé pendant la campagne de François Mitterrand.
Emmanuel Roux, directeur Général de la Mutualité Française, ancien de l’ENA, a été rapporteur général adjoint du rapport sur la Sécurité sociale et rapporteur au Conseil des prélèvements obligatoires, a été chargé de mission au ministère des Affaires sociales pour la conception et la création des agences régionales de santé (ARS). ↩
En savoir plus sur

Attention aux réseaux de soins !

Publié le 07/04/2016 JIM
Intégration des médecins dans les réseaux de soins : les mutuelles sont loin d’avoir dit leur dernier mot

Paris, le jeudi 7 avril 2016 – Après une longue bataille, les médecins libéraux avaient fini par avoir gain de cause il y a deux ans en obtenant que la loi stipule clairement que les mutuelles et les assurances santé ne peuvent instaurer de réseaux de soins reposant sur un contrat direct entre elles et les médecins. Si les réseaux de soins sont vigoureusement pourfendus par les médecins libéraux, c’est qu’ils redoutent clairement une perte de leur indépendance, la fin de la liberté de choix de leur médecin par les patients et une intrusion toujours croissante des mutuelles dans leur pratique. Malgré l’adoption de la loi Leroux, il y a deux ans, les médecins demeurent toujours particulièrement alertés sur ce sujet et beaucoup ont redouté qu’entre autres vexations, la loi de santé ne sonne le grand retour de ce projet, qui semble avoir les faveurs d’une grande partie de la classe politique, notamment dans les rangs de la gauche.

Quarante établissements sélectionnés sur leurs résultats
Leur vigilance et inquiétude semblent aujourd’hui légitimées par une initiative des mutuelles SantéClair. Ces dernières, comme le détaille cette semaine Egora, permettent désormais aux adhérents de certains de leur contrat de bénéficier d’une prise en charge totale de leurs soins chirurgicaux orthopédiques s’ils se dirigent vers l’un des établissements inclus dans son « réseau ». Ces derniers, selon SantéClair, ont été sélectionnés en fonction de la qualité de leurs résultats concernant les interventions orthopédiques les plus fréquentes (prothèse de hanche, prothèse de genou, chirurgie des ligaments et méniscectomie). Le « forfait » proposé aux patients suppose la prise en charge non seulement de différentes prestations (chambre individuelle, accès à la télévision, ect) mais également des dépassements d’honoraires éventuels, ce qui constitue une première. Une quarantaine d’établissements composeraient aujourd’hui ce qui s’apparente à un réseau et SantéClair espère en recenser une soixantaine.

Trahison des cliniques
Un tel système n’est pas contraire à la réglementation, puisque la convention est établie entre les mutuelles et les établissements de santé et non directement avec les praticiens. Cependant, alors que dans les colonnes d’Egora, les responsables de Santéclair admettent eux-mêmes que la finalité est identique à celle des « réseaux de soins », les médecins ne sont pas dupes et ne décolèrent pas. Une fois encore, ils manifestent leur colère face à un système qui offre un pouvoir à leurs yeux inacceptable aux mutuelles et qui restreint la liberté de choix des patients. Ils rappellent que les assureurs n’ont aucune légitimité pour organiser une telle régulation de l’offre et appliquer leurs prétendus critères de qualité. Le ressentiment des praticiens s’exerce également à l’encontre des établissements qui ont accepté de participer à ce montage, ce qui suppose certainement une fois encore une restriction de la liberté des praticiens concernant la fixation de leurs honoraires. « C’est une façon contournée de mettre en place des réseaux de soins. (…) Et surtout c’est le risque pour les cliniques et pour les praticiens de se retrouver captifs d’un système qui n’a pas pour but d’augmenter la qualité mais de faire baisser les coûts » déplore Jérôme Vert, président de l’AAL, l’Association des anesthésistes libéraux dans les colonnes d’Egora. Sans doute, dans le cadre actuel des négociations, le sujet devrait être abordé par les représentants des syndicats avec l’Assurance maladie.
Léa Crébat

Une préfiguration des conséquences du TAFTA : les cliniques privées contre l’hôpital public de Roubaix

http://www.politis.fr/blogs/2016/03/une-prefiguration-des-consequences-du-tafta-les-cliniques-privees-contre-lhopital-public-de-roubaix-34028/

Le mardi 19 avril à 18h30 aura lieu un débat important à Roubaix (théâtre Pierre de Roubaix, 78 boulevard de Belfort à Roubaix).
L’affaire est peu banale. Une fédération de cliniques privées a décidé d’attaquer en justice l’hôpital public.
Sur quelles bases ? Tout simplement parce que l’hôpital reçoit des fonds de l’Etat pour assurer les urgences et l’accueil des populations en souffrance.
La fédération des cliniques réclame les mêmes montants, évidemment sans avoir l’intention d’assurer les mêmes prestations.
On est là devant une préfiguration de ce que pourrait donner les Accords de libre échange (Tafta, Ceta). En d’autres termes, c’est du Tafta avant la lettre, où n’importe quelle entreprise privée pourrait attaquer un service public pour entrave à ses profits.
Pour nous informer, Bernard Deleu, de l’UPC (Université Populaire et Citoyenne de Roubaix), sera accompagné de syndicalistes CGT et SUD Santé sociaux de l’hôpital, avec le témoignage d’une salariée de l’hôpital de Roubaix.
Le débat est organisé par Attac Métropole, l’Université Populaire et Citoyenne de Roubaix et les Retraités Solidaires. Il s’inscrira évidemment dans le cadre de la défense des services publics comme outils de solidarité et boucliers contre la cupidité des entreprises privées et des multinationales.
L’association « Pour Politis » sera présente.