Nous, professionnels français du soin, représentés par les syndicats et collectifs signataires de ce texte, sommes particulièrement inquiets des informations nous parvenant sur la situation de la Santé en Grèce des dernières années.
En confirmant une fois de plus notre engagement fraternel et solidaire aux côtés de nos collègues grecs, des patients et du peuple grec, nous souhaitons attirer l’attention des opinions publiques sur les conséquences qu’impliquent les politiques d’austérité dans le champ sensible de la santé psychique, au carrefour du médical, du social et du politique, champ ou les valeurs humaines et les droits fondamentaux sont constamment engagés.
La régression constatée dans les pratiques du soin psychique en Grèce depuis l’application des mémorandums de la troïka ne concerne pas seulement l’accès des patients aux soins mais aussi bien le respect de la liberté et de la dignité humaine des patients.
L’arrêt à mi-chemin de la réforme psychiatrique des années 1980 prive les patients de structures ouvertes à la communauté et des indispensables dispositifs de prévention et de soins ambulatoires.
Les réductions répétées des budgets et des personnels pérennisent et aggravent un système qui malmène et déshumanise les soignants. Des pratiques d’un autre âge, qui auraient dû progressivement disparaître, s’enracinent et se banalisent.
Les soins contraints représentent aujourd’hui en Grèce près de 36% des hospitalisations, en augmentation depuis l’application de l’austérité. En France avec 20% nous sommes aussi au-dessus de la moyenne européenne et en augmentation. En France nous refusons les lois qui banalisent et généralisent la contrainte, comme celle du 5 juillet 2011.
La contention des patients et la sédation chimique excessive sont le quotidien des hôpitaux psychiatriques grecs, selon les alertes lancées par nos collègues grecs, mais aussi par le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Hélas ces pratiques sont en augmentation aussi en France.
Nous sommes conscients que les restrictions de moyens qui touchent (peut-être à des degrés divers) nos deux pays ne sont pas l’unique cause de ces pratiques dégradantes, mais elles facilitent leur diffusion dans le contexte de désarroi ou de renoncement qu’elles créent. Il ne s’agit d’ailleurs en aucun cas de les rendre légitimes et les perpétuer en les encadrant de protocoles.
La contention n’est pas un soin. Les patients qui l’ont subie en témoignent régulièrement, elle produit un traumatisme à jamais ancré dans leur chair et dans leur cœur. La sangle qui attache tue le lien humain qui soigne.
Nous, professionnels français du soin, souhaitons unir nos voix avec celles des citoyens et des collègues grecs et européens pour réclamer le développement de soins psychiques humanistes, respectueux du sujet, accessibles à toutes et tous ceux qui en ont besoin, réclamer pour cela la mise en place notamment de moyens suffisants et pérennes de budgets, de personnels et de formation, s’opposer par la mobilisation à la tourmente de l’austérité et l’esprit sécuritaire.
Collectif des 39
Syndicat de Médecine Générale
Union Syndicale de la Psychiatrie
SUD Santé sociaux
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