Alors que des hauts fonctionnaires africains et européens se réunissent à Malte les 8/9 février 2017 à mi-parcours du processus de la Valette, l’Union européenne (UE) fait un pas de plus pour restreindre la mobilité des personnes migrantes et imposer sa loi aux pays d’où viennent la majorité d’entre elles, sous la forme du « laissez-passer européen », adopté sans bruit en octobre 2016.
Le plan d’action lancé à La Valette en novembre 2015 par l’UE, ses Etats membres et 35 Etats africains vise à « lutter contre l’immigration irrégulière, le trafic d’êtres humains et les causes profondes de la migration forcée ». Actuellement en cours d’évaluation, il s’appuie sur la « coopération extérieure » pour obtenir la signature, par des Etats « tiers », d’accords de réadmission destinés à expulser plus facilement les personnes migrantes.
Avec le laissez-passer européen (LPE), l’UE marque une étape supplémentaire de la stratégie d’externalisation de sa politique migratoire depuis vingt ans. Ce document de voyage, délivré par les Etats membres de l’UE – et eux seuls -, permet d’expulser une personne sans qu’elle ait été identifiée par le pays « tiers » dont elle est supposée être originaire, et donc sans laissez-passer consulaire, au mépris de ses droits et du principe d’égalité entre Etats souverains (garanti par la Convention de Vienne).
En dépit de l’opposition exprimée dès novembre 2015 par les responsables africains présents au Sommet de La Valette et réitérée début 2017 par la société civile et le gouvernement maliens, le LPE – malgré ses défauts majeurs de forme et de fond – est bel et bien déjà utilisé.
Au-delà des effets négatifs immédiats d’une mesure d’éloignement sur les personnes, le flou total qui caractérise la mise en œuvre du LPE laisse craindre un nombre important de violation des droits, en atteste le nombre de questions sans réponse que pose l’utilisation de ce document (voir liste ci-jointe).
A l’heure où la machine à expulser gagne en puissance (coopération avec la Turquie, l’Afghanistan, la Libye, nouvelles prérogatives octroyées à Frontex), les droits fondamentaux ne sont même pas évoqués dans le texte paru au Journal Officiel de l’UE sur le LPE.
Les réseaux africains et européens d’organisations de la société civile signataires du présent communiqué réclament que les Etats membres de l’UE suspendent immédiatement l’utilisation du LPE et que les autorités européennes fournissent et publient sans délai les informations complémentaires et indispensables concernant sa mise en œuvre (voir liste des informations ci-jointe).
La mobilité est un droit, et non un outil de chantage diplomatique.
Organisations signataires
AEDH – Association Européenne pour la Défense des Droits de l’Homme
EuroMed Droits
Loujna-Tounkaranké
FORIM – Forum des Organisations de Solidarité Internationale issues des Migrations
Medico International
Migreurop
Observatoire Ouest-Africain des Migrations