Fruit de l’analyse des données issues du Recueil d’Information Médicalisée en Psychiatrie (RIM-P), l’étude publiée par l’IRDES fait le point sur l’évolution du recours aux soins sans consentement en psychiatrie depuis la promulgation de la loi du 5 juillet 2011. Elle met en exergue une hausse du nombre de personnes prises en charge et une grande hétérogénéité géographique des modes de recours.
Le cadre juridique régissant les soins sans consentement en psychiatrie a été refondé en 2011. Si les droits des patients soignés ont été clairement réaffirmés et sont placés sous le contrôle d’un juge des libertés et de la détention, un nouveau mode d’admission en cas de péril imminent a été mis en place pour favoriser l’accès aux soins des patients isolés. Ce mode d’admission est venu s’ajouter aux deux qui existaient déjà : l’admission sur décision d’un représentant de l’état et à la demande d’un tiers. La loi institue par ailleurs une prise en charge ambulatoire des troubles psychiatriques sans consentement et précise même que les hospitalisations longues doivent demeurer l’exception.
Une hausse de 12 000 patients par an soignés sans consentement en 4 ans
L’analyse quantitative des données du RIM-P souligne une hausse sensible du nombre de personnes prises en charge sous la contrainte médico administrative. En 2015, l’IRDES dénombre en effet près de 94 000 personnes prises ainsi en charge contre 81 000 en 2012. La proportion de ces patients passe de 4.8 à 5.4%. Cette augmentation est largement imputable au nouveau mode d’admission en soins pour péril imminent (SPI) avec une augmentation de près de 11 000 cas sur la période.
Pour Magali Coldefy, interrogée par l’IRDES, cette augmentation serait liée d’une part à l’augmentation de la durée des soins ambulatoires (entre 12 et 22 mois selon Vidon et al 2015) ce qui vient gonfler mécaniquement le nombre de patients suivis sur une période donnée et d’autre part à la simplification des démarches d’admission dans le cadre de SPI.
Cette augmentation fait suite à une autre nettement plus marquée (près de 50%) survenue entre 2006 et 2011 selon un rapport de mission parlementaire.
En 10 ans force est de constater que non seulement les soins psychiatriques sans consentement ont doublé mais que les pratiques d’isolement et de contention se sont aussi multipliées.
Des modes de recours géographiquement hétérogènes
L’étude de l’IRDES met par ailleurs en lumière une grande hétérogénéité géographique du mode de recours au soins sans consentement. C’est l’admission en soins pour péril imminent qui est utilisée de façon particulièrement disparate selon les départements.
Si au niveau national, la moyenne est de 20% de SPI, 22 départements affichent une moyenne de moins de 10% alors que l’Ardèche, la Creuse, le Lot, l’Eure, la Savoie, la Drôme ou le Bas Rhin présentent un taux de 40% de SPI. Selon l’IRDES, cette disparité se confirme si on porte l’analyse au niveau des établissements voire même au sein des services d’un même établissement.
Au delà de cette grande disparité, les autorités de tutelle devraient s’interroger sur les facteurs qui poussent dans certains endroits à la généralisation d’un dispositif qui a été conçu pour répondre à des situations rares et exceptionnelles. Le député PS Denys Robiliard, coauteur d’un rapport sur les hospitalisations sans consentement, pointait récemment du doigt le manque de moyens humains tout en soulignant l’absence de données objectives au niveau national.