Défense de l’AME, accès inconditionnel aux soins des migrants
L’annonce en plein été d’une mission de réflexion sur l’Aide médicale d’Etat par l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, pour étudier des pistes de réforme de ce dispositif réservé aux sans-papiers, est une nouvelle attaque de la politique de non-accueil des migrants actuelle.
Son objectif est bien une remise en cause de l’Aide médicale d’Etat (AME) comme prise en charge médicale des étrangers, administrativement « en situation irrégulière ». L’attaque vise un peu plus de 300 000 personnes, pour un budget annuel avoisinant le milliard d’euros. Elle couvre un panier de soins médicaux ambulatoires et hospitaliers réduit (médecine générale et spéciale, frais de soins dentaires, frais d’hospitalisation, analyses, vaccinations obligatoires, examens de dépistage…). C’est donc bien l’Inspection générale des finances qui est à la manœuvre au nom d’abus, bien que les enquêtes en montre l’aspect marginal sans se soucier de la santé publique, ce que relève l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile de France : « Les filières qui peuvent exister sont marginales. Si on veut maîtriser les coûts, il faut prendre les pathologies le plus tôt possible».
Le projet de l’étude vise à mettre en place le retour à un ticket modérateur qui reste à charge pour le patient, des centres de santé dédiés ou encore la réduction du panier de soins pris en charge, et l’exclusion des soins psychiatriques. Ce projet limite donc l’AME aux seules urgences et maladies susceptibles de provoquer des épidémies, ce qui déjà en pratique le cas pour des bénéficiaires qui accèdent plus lentement aux soins, arrivent bien plus malades dans les hôpitaux, ce qui, in fine, coûte beaucoup plus cher, avec déjà le risque d’exposition infectieuse de la population.
Or, aujourd’hui l’accès à des soins continus est déjà en pratique scandaleusement conjugué à la reconnaissance d’être administrativement demandeur d’asile, pour des personnes en situation précaire de séjour. Il en résulte une crise éthique devant une tuberculose, une HIV positive, un cancer, des séquelles de blessures ou de tortures et de souffrances psychiques traumatiques qui évoluent de façon pathologiques.
Cette menace sur l’accès aux soins psychiatriques pour les personnes migrantes ordonne une double discrimination contre des populations stigmatisées à la fois par leur statut d’étrangers, et par un type spécifique de troubles relevant de la santé mentale. Nous dénonçons avec le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) cette attaque ciblée « d’un droit constitutionnel à la protection de la santé » et des engagements pris par le gouvernement en matière de santé publique avec sa « Stratégie nationale de santé » dont l’axe 2 affiche la volonté d’accompagner « le recours aux services de santé des personnes vulnérables », parmi lesquelles les personnes migrantes et exilées. Si les troubles psychiatriques, déjà stigmatisés, sont en plus ciblés par des mesures d’exclusion supplémentaires dans sa réalité actuelle de stigmatisation… !
L’AME permet la prise en charge médicale de ces populations plus souvent exposées à des risques de santé en raison de leurs conditions de vie (hébergement précaire, insalubrité du logement, vie à la rue, ressources insuffisante) L’AME œuvre à la protection de la santé individuelle et publique, comme le souligne parmi tant d’autres le Défenseur des droits dans son rapport de mai 2016 sur « les droits fondamentaux des étrangers en France » et surtout son rapport de mai 2019 sur les « personnes malades étrangères ».
L’USP dénonce donc cette agression de plus contre l’intégrité corporelle et psychique du migrant exilé et des sans-papiers, qui est une nouvelle attaque sur la politique actuelle de non-accueil des migrants. L’USP refuse ce projet de remise en cause de l’AME et défend sa prise en compte dans un accueil inconditionnel. Elle soutient en conséquence, le Manifeste national des associations et des collectifs citoyens du 27 juin 2019, En finir avec les situations inhumaines d’errance et de campements en France, qui demande au gouvernement le respect de la loi et des droits fondamentaux de toutes et tous, dont font partie les plus vulnérables :
– Une protection et un hébergement d’urgence, immédiats et inconditionnels des personnes en errance dans différentes villes de France, leur permettant d’accéder à leurs droits fondamentaux.
– Un accès rapide aux procédures de demande d’asile, dans le respect des délais définis par les textes, y compris pour les personnes sous procédure Dublin, ainsi qu’aux conditions matérielles d’accueil ad hoc.
– L’accès aux conditions matérielles d’accueil (hébergement, allocation pour demandeur d’asile-ADA, accompagnement dans les procédures et l’accès aux droits) tel que prévu par les textes européens pour tous les demandeurs d’asile, la création de 40 000 places d’hébergement et l’abandon des orientations directives des demandeurs d’asile vers les régions sans garantie d’hébergement qui auront très bientôt pour conséquence la création de nouveaux campements.
– L’assurance d’une continuité de l’hébergement pour toutes les personnes sans domicile fixe, quelles que soient leurs situations administratives, qu’il s’agisse de structures dédiées aux demandeurs d’asile ou de structures d’hébergement généraliste.
– La garantie de conditions d’hygiène dignes (sanitaires, urinoirs, accès à l’eau, gestion des déchets), arrêt des confiscations de matériels tant que les campements perdureront.
– la protection des personnes vulnérables face aux réseaux de passeurs et de trafiquants.