Qui est responsable de la catastrophe ?
Le 18 septembre a été publié le rapport de la « Mission parlementaire sur l’organisation territoriale de la santé mentale » dont les deux co-rapporteures sont Martine Wonner (LREM) et Caroline Fiat (FI).
Une délégation de l’USP était présente lors de la présentation de ce rapport à l’Assemblée nationale, ayant été auparavant auditionnée par cette commission avec d’autres syndicats de psychiatres.
Ce rapport est explosif : la situation de la psychiatrie est dite « catastrophique », « accablante » ; ce rapport est présenté comme étant un cri d’alarme.
Des préconisations y sont faites, souvent anciennes mais cependant intéressantes : mettre l’accent sur le lien avec les médecins généralistes, donner un rôle plus important aux psychologues, combattre les inégalités territoriales, etc. La Contrôleuse générale de lieux de privation de libertés est citée à juste titre. Les deux parlementaires nous disent avoir entendu les inquiétudes, les angoisses des soignants, des patients et de leurs familles, et leur avoir donné une tribune dans ce rapport parlementaire. Dont acte.
Notons que ce rapport ne se réfère pas au travail en cours de Madame Buzyn ministre de la Santé. Nous ne saurions en faire grief aux deux parlementaires tant le bilan de ce ministère, dans la continuité des précédents, est pitoyable. Cela vaut-il dénonciation ?
Ayant reçu ce long rapport il y a quelques heures, nous ne saurions en faire dès à présent une analyse exhaustive ; nous saluons l’importance de ce travail, de ce bilan de la situation de la psychiatrie. Bilan catastrophique donc :
« La filière psychiatrique et en particulier la psychiatrie publique est au bord de l’implosion, et la sur-occupation des lits est un fléau pour les patients comme pour les soignants ».
Mais la question qui s’impose à nous est la suivante : y aurait-il un consensus allant de la droite macronienne à la gauche de FI à propos de la psychiatrie comme la présentation de ce rapport pourrait le faire craindre ? Non, bien sûr. Mais l’exercice parlementaire gomme les aspérités des contradictions vécues.
Ce rapport cite Bonnafé et salue le Printemps de la psychiatrie. Fort bien, mais le Printemps de la psychiatrie désigne ses adversaires : les capitalistes de l’hospitalisation privée, ceux de l’industrie pharmaceutique, les idéologues de la fondation FondaMental, et leurs amis, alliés, et mercenaires. C’est pour cela que nous sommes présents dans ce mouvement aux côtés de beaucoup d’autres. Et nous ne ferons pas de consensus avec ces adversaires : mille conférences et rapports n’y changeraient rien.
Quelques premières remarques à propos de ce rapport :
– Dans le résumé de ce rapport, nous lisons : « la psychiatrie de secteur a pu freiner le développement d’une expertise plus spécialisée indispensable pour certains patients ». La formule vient annuler l’hommage classique à Bonnafé : la sectorisation aurait empêché le développement d’une pensée acérée. Mensonge et manipulation.
– A plusieurs reprises, l’hospitalisation privée est placée sur le même plan que l’hospitalisation publique. Madame Wonner, dont les liens avec les chefs de l’hospitalisation privée sont connus, se montre ainsi bien sur la même ligne que les propagandistes néolibéraux de FondaMental (dont le professeur Leboyer est une figure de proue) : ouvrir de nouveaux marchés aux cliniques privées.
– Ce rapport insiste sur un nécessaire passage à 80 % d’ambulatoire : vœu pieux fort estimable. Mais Madame Wonner tient ensuite à préciser que contrairement à Madame Fiat, elle estime que cela doit se faire sans création de poste… mais avec augmentation de budget. Difficile de marier la carpe et le lapin.
Nous avons tenté de faire entendre lors de cette présentation la voix des grévistes de l’hôpital du Rouvray qui s’engagent dans une grève illimitée, un an après la grève de la faim qui aboutit à un protocole d’accord. Mais aujourd’hui leur direction d’hôpital et leur Agence régionale de santé ne tiennent pas leurs engagements, trahissent la parole donnée.
Nous avons fait résonner l’exigence de la Coordination inter urgences de plus de lits d’hospitalisation, plus de personnels, et des augmentations de salaires, sans être entendu par Madame Wonner.
Dire que la situation était catastrophique est très justifié, mais doit être complété par la dénonciation des responsables : les néolibéraux et leur management terrifiant, et Sarkozy incarnant le tournant sécuritaire.
Nous dénonçons ceux qui saccagent le service public pour livrer par fragments aux intérêts privés. Nous dénonçons Madame Buzyn qui, au nom de la bonne gouvernance, liquide les possibilités mêmes du soin psychiatrique en s’appuyant sur les directives autoritaires de la Haute autorité de santé. La référence faite dans ce rapport, à plusieurs reprises, à la nécessité d’une direction politique ferme de la psychiatrie ne peut être dans ce contexte que source d’inquiétude pour nous.
Pour l’USP :
Pascal Boissel, Philippe Gasser, Delphine Glachant