Pendant ce temps-là, en psychiatrie…
Depuis deux semaines, les personnes souffrant de troubles psychiques, comme tous les français, sont confinées. Confinées chez elles, confinées à l’hôpital psychiatrique. Les hôpitaux de jour sont fermés, tout comme les CATTP. Les CMP assurent des entretiens téléphoniques pour prendre des nouvelles et soutenir les patients dans cette drôle d’expérience de vie. Des groupes virtuels se sont créés pour maintenir du collectif et lutter contre l’isolement de chacun. Ceci alors que bon nombre de nos patients vivent le confinement dans leur corps et dans leurs pensées. Les professionnels de la psychiatrie n’ont de cesse en continu de les aider à s’en défaire.
À l’hôpital, le confinement est venu nous rappeler que travailler à instituer le collectif soignants-patients est primordial. En ces temps où les politiques réservent une place hégémonique aux neurosciences dans l’approche des maladies mentales, neurosciences qui s’appuient sur les performances de l’individu, l’approche thérapeutique collective des patients est à reconsidérer d’urgence. Durant la seconde guerre mondiale, l’expérience de Saint Alban avait posé les bases de la psychothérapie institutionnelle. Est né de ce mouvement une politique de service public de secteur psychiatrique, dont l’application à partir de 1960 a ouvert une autre pratique du soin dans la population. Il aura fallu une autre guerre, contre le coronavirus, pour que ces pratiques humanistes puissent se déployer de nouveau, permettant de prendre soin de tous dans les services, soignés et soignants. De nouvelles modalités relationnelles, plus horizontales, s’appuyant sur la fonction soignante de chacun, donnant une large place à la créativité, ont permis de faire groupe et d’être solidaires dans la crise.
Ces soins, qui visent à l’émancipation de l’individu au sein d’un collectif, à son dé-confinement, alliés à une clinique et une prise en charge individuelle permettant la renaissance du sujet, sont déconsidérés par les politiques qui ne laissent plus le temps à des prises en charge longues. Pour eux, seule l’efficience du soin est importante, c’est-à-dire son rapport coût efficacité.
La crise d’un coronavirus nous le démontre bien : la psychothérapie institutionnelle et le secteur public de psychiatrie sont de salubrité publique. Cette approche institutionnelle est primordiale pour traiter l’individu dans le groupe social qui l’entoure. Elle ne peut être sacrifiée sur l’autel des neurosciences.
Pour l’USP
Delphine Glachant, présidente
Jean-Pierre Martin, membre du conseil national