Messieurs Macron, Castex et Véran ont bien réussi leur coup !
Nous n’étions évidemment pas dupes des propos de Macron dans son discours du 12 mars « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés hors des lois du marché. » Pas plus de ses bonnes intentions en accordant aux soignants primes et médailles, distribuées pour les faire taire et les diviser.
Dès le début du Ségur, Philippe nous l’avait bien dit. Pas de grand changement en vue pour l’hôpital, si ce n’est un changement de management ! Castex a pris le relais et avec lui non plus, l’hôpital du progrès, ce n’est pas pour demain.
Tous les participants l’ont dit : les pseudo concertations du Ségur ont été organisées dans le désordre, dans le flou, voire dans des discours contradictoires, semant confusion, clivage, discorde entre professionnels de la santé, syndicats et collectifs de soignants, ceci afin de mieux faire passer la feuille de route que se donnait le gouvernement depuis trois ans : accentuer la bascule public/privé. Tout ceci jusqu’au coup de chapeau final où notre intersyndicale APH a été mise hors-jeu.
Ce Ségur était l’occasion de travailler la gouvernance avec les syndicats et collectifs, d’usagers et de professionnels.
Le travail fait depuis mars 2019 avec les intersyndicales de médecins sur cette question cruciale a tout simplement été mis aux oubliettes pour adopter le rapport Claris, véritable apologie de l’hôpital entreprise, inséré dans un système libéral, où le maître à bord restera le directeur, le président de CME sera promu son second, la CME ne gardera qu’un rôle consultatif, la communauté médicale devra se former au management, les services seront mis en concurrence pour valoriser leurs projets, les équipes auront un intéressement économique quand elles seront efficientes…
Et les ARS, véritables usines à gaz, tant critiquées ces derniers mois pour leur coût exorbitant, se voient promettre des moyens supplémentaires !
Ce Ségur était l’occasion de travailler le financement de l’hôpital. Il confirme que la T2A est le modèle de référence.
Le choix du rapporteur de ce pilier, en la personne de Roland Cash, un des pères de la T2A depuis ses premiers pas, a bien montré bien l’intention du gouvernement de ne surtout pas en finir avec ce mode de financement pourtant décrié par tous. Sans surprise, le Ségur ne remet pas en cause la T2A. Diminuer sa part ne revient qu’à entériner son intérêt. A quel niveau de productivité du personnel hospitalier seront allouées les dotations complémentaires promises à l’hôpital ?
Ce Ségur devait revaloriser les carrières et les salaires. Il vient surtout libéraliser le travail et mettre un terme aux 35 heures à l’hôpital public.
Certes, l’augmentation de 183 € pour les personnels non médicaux, loin des 300 € qui n’ont jamais cessé d’être leur revendication pour voir reconnaître la valeur de leurs métiers, en contente plus d’un. Leurs salaires sont si bas que 10 % d’augmentation ne se refusent pas.
Mais qu’en sera-t-il de la révision du décret sur le temps de travail, des accords locaux, de l’alignement du temps quotidien sur le standard européen ? Les journées de 12 heures, qui fleurissent un peu partout, deviendront-elles la norme ?
La promotion des Infirmiers de pratiques avancées (IPA) n’est qu’une manière de recruter des « sous-médecins à moindre coût ».
Dans ce Ségur, le choc d’attractivité pour les médecins, tant attendu, ne pouvait pas avoir lieu. Le remède à l’hémorragie des médecins qui quittent l’hôpital public pour travailler dans le privé ou l’intérim ne s’arrêtera qu’avec l’encadrement du privé lucratif et la limitation des « revenus de la santé » qu’ils soient issu du salaire, des actes, des participations, des actions et des labos.
La santé n’est pas une marchandise et la médecine n’est pas un commerce.
Des mesures prises dans le Ségur, que dit-on aux jeunes médecins, quand seuls les salaires des praticiens hospitaliers en fin de carrière sont revalorisés ? La montée en puissance de la prime de service public exclusif est un miroir aux alouettes quand parallèlement le gouvernement veut pousser les médecins vers l’exercice mixte public/privé.
Et la psychiatrie dans cette affaire ?
Olivier Véran se targue d’avoir mis la psychiatrie au cœur du Ségur de la santé, mais ses mini-mesures viennent nous rappeler que rien ne va changer….
160 postes de psychologues pour les 3 826 centres médico-psychologiques du territoire français, ce qui représente une goutte d’eau par rapport aux besoins.
Une extension de l’activité des CUMP, prise en charge certes importante mais témoignant du parfum de notre époque, où « quelques séances suffisent ».
Si ce n’est que… le maintien du projet de réforme de financement de la psychiatrie pour 2021, qui inclut une part de dotation à l’activité, va continuer de venir modifier en profondeur notre travail clinique, notre rapport au temps, nous transformant, psychiatres, comme tous les autres médecins, en machines à produire du soin et à rétablir rapidement des individus pour qu’il coûtent moins cher à la société.
Des dotations pour les innovations ? Les logiques concurrentielles d’appels à projet, directement inspirées du privé, ne sont pas compatibles avec une approche sereine et juste de la médecine ni la psychiatrie.
Nous ne pouvons accepter la réorganisation de la psychiatrie sur le modèle du néolibéralisme.
L’USP demande une augmentation significative de l’ONDAM pour l’année 2021 afin d’embaucher du personnel, améliorer les formations, permettre le déploiement d’une véritable politique de secteur en psychiatrie tout en permettant des conditions dignes d’accueil et de soin à l’hôpital et en ambulatoire, ainsi que la garantie d’une diversité des pratiques.
Pierre Paresys, vice-président
Claire Gekiere, membre du CN
Delphine Glachant, présidente