Les usagers et les soignants ont plus de créativité que les « personnalités » !
Début décembre, nous apprenions que « cinq personnalités de la psychiatrie » demandaient « une mission interministérielle en vue d’une loi de santé mentale ». Nous ne savons pas ce que Serge Hefez, Marie-Rose Moro et Cynthia Fleury sont allés faire dans cette galère, nous allons concentrer notre propos sur Rachel Bocher et Marion Leboyer.
Nous nous étonnons qu’elles s’arrogent l’autorité dans le champ disciplinaire de la psychiatrie pour demander une mission interministérielle. Nous sommes surpris qu’elles n’aient aucun commentaire à faire sur les derniers rapports parlementaires réalisés sur la psychiatrie ; pourtant Marion Leboyer et ses amis étaient largement cités dans le rapport de la dernière mission parlementaire. Ne plus évoquer par le Parlement, la représentation nationale, même lorsqu’il est globalement si soumis, serait-il une orientation politique ?
Rachel Bocher, présidente de l’INPH, s’est illustrée récemment pour avoir manigancé en sous-main avec Olivier Véran une sortie du Ségur de la santé pour les praticiens hospitaliers, s’asseyant sur la solidarité avec les autres intersyndicales. Rien d’étonnant puisqu’elle l’avait déjà fait lors des négociations anciennes à propos de la loi HPST.
Dans cette intervention récente, elle insiste sur l’usage des nouvelles technologies, ce à la façon des tutelles du secteur, c’est une façon de reprendre les éléments de langage du pouvoir pour ne pas mettre l’accent sur le manque criant de personnels. Elle propose une « mission interministérielle (ministère de la Santé, de l’Education, de l’Intérieur… ». S’adresser au ministère de la Santé et obtenir qu’il fasse un travail correct ne suffirait-il donc pas à nos ambitions ? Qui croit possible de discuter avec Darmanin, le ministre de l’Intérieur ?
Marion Leboyer, quant à elle, cette fois tombe le masque en se déclarant présidente de la fondation Fondamental, alors qu’elle met habituellement en avant son titre de professeur de psychiatrie à l’hôpital public lorsqu’elle passe de façon répétée sur les ondes radiophoniques publiques. Rappelons que Fondamental, qui se prévaut de faire de la recherche en psychiatrie, est soutenue par l’Institut Montaigne et un certain nombre de grands groupes dont 11 groupes pharmaceutiques, des cliniques privées, Dassault… Cette fondation privée promeut la création de plateformes diagnostiques, de centres experts, des lieux où le diagnostic est roi, mais où la prise en charge de moyen et long termes, souvent nécessaires, sont peu ou pas investies.
Elle propose ici des « outils d’autodiagnostic, d’auto-aide ». Nous avons la faiblesse de penser qu’aider autrui est une mission de notre discipline, basée sur la relation, et au-delà une mission de tous les métiers du soin. S’aider soi-même est bien sûr utile …. Marion Leboyer et ses financeurs veulent innover ici d’une façon inquiétante. Elle propose aussi d’ouvrir dans tous les établissements hospitaliers des consultations qu’elle baptise « Covidpsy » ; n’a-t-elle rien à dire sur toutes les adaptations, innovations, inventions déjà réalisées par les équipes soignantes en ces temps de Covid1-9 ?
Cependant, nous souhaitons depuis longtemps une mission en vue d’une loi-cadre sur la psychiatrie ! Mais ici nous proposons au débat une mission présidée par Madame Adeline Hazan, ancienne CGLPL, dont le rapport de juin 2020 a non seulement fait le constat des nombreux dysfonctionnements de la psychiatrie publique, mais a également fait de nombreuses propositions extrêmement intéressantes, en particulier parce qu’il place en priorité le respect des droits des usagers.
Nous souhaitons une loi-cadre pour affirmer un renouveau de la psychiatrie, mettre un coup d’arrêt à ces pratiques qui depuis des années visent à faire disparaitre la psychiatrie de secteur au profit d’une psychiatrie par filière, par pathologies, par âges, cette psychiatrie, dont les usagers et les professionnels sont tellement maltraités depuis des années par des budgets en baisse constante alors que la demande augmente. Une loi-cadre pour reconnaître enfin cette discipline actuellement et depuis si longtemps abandonnée par les pouvoirs publics comme les professionnels de terrain l’avaient dit depuis longtemps.
Nous réaffirmons à nouveau que la continuité des soins doit redevenir l’hypothèse prioritaire, si nécessaire au traitement de la psychose.
Pourquoi mêler la crise de la Covid qui, certes, occasionne déjà une troisième vague psychiatrique, à la demande d’une véritable politique de la psychiatrie, alors que, bien avant l’arrivée de cette Covid-19, la psychiatrie était en crise, au bord de l’implosion ?
Pour l’USP
Pascal Boissel, vice-président
Delphine Glachant, présidente