Quand la logique des marchés détruit les services publics, l’exemple de la santé en est le paradigme
Depuis bien longtemps déjà, nos dirigeants ont comme seul curseur programmatique l’efficacité économique. Alors que le service public de santé, depuis la création de la Sécurité sociale, a comme fondement son universalisme, il est le lieu même où sévissent les ravages du capitalisme néolibéral : toujours plus de privatisations, mais sous la coupe d’un Etat qui organise l’installation du marché.
Dès 2018, les grèves d’infirmiers se multipliaient dans les hôpitaux, en psychiatrie d’abord puis aux urgences. Secondairement porté par les médecins, ce mouvement de contestation a pris toute son ampleur jusqu’à la crise sanitaire de la Covid. Le président Macron avait beau jeu, la larme à l’œil, de rappeler l’Etat providence comme solution aux crises gagnant tous les strates de la société française, c’est bien en direction des plus riches que l’Etat a été généreux.
De même, alors que les professionnels de santé, remplis de colère, s’époumonaient à crier la catastrophe qu’ils vivaient dans leurs missions, le président et le ministre de la Santé ont sorti de leur besace un beau chapeau à plume, le Ségur de la Santé, comme la solution à la faillite, organisée par eux-mêmes, du système de santé français.
Comme nous avons bien été roulés dans la farine ! Sans doute ne fallait-il pas y aller…car que pouvait-on attendre de dirigeants dont la marque de fabrique est le mensonge pour mieux masquer ses incompétences ?
Les revendications salariales sont restées largement en deçà de ce qui était attendu par les personnels non médicaux. Les effectifs supplémentaires, tant médicaux que non médicaux, ne sont pas là. L’ouverture de lits supplémentaires tant attendue n’a non seulement pas été au rendez-vous mais pire que cela, malgré la crise, la réorganisation des hôpitaux se poursuit avec, à la clé, des nouvelles fermetures de lits et d’unités.
Mais, au-delà de ces revendications légitimes et incontournables, c’est la gouvernance des hôpitaux qui a été complètement et sciemment mise de côté. Les directions d’hôpitaux continuent d’appliquer leurs diktats, servies ici et là par des médecins à leurs bottes, répondant aux directives ministérielles.
Les médecins fuient l’hôpital public, non pas que leurs salaires soient insuffisants, mais parce qu’ils n’en peuvent plus d’être dans système devenu fou où ils ont perdu tout pouvoir décisionnel, obligés eux aussi de rentrer dans les systèmes de concurrence et de marchés s’ils veulent survivre. HPST est passé par là ; le Ségur n’a fait qu’en remettre une couche.
Le statut bientôt fragilisé du praticien hospitalier, notamment par sa contractualisation, ainsi que l’inégalité de traitement salarial induit par le Ségur, vont les achever.
En psychiatrie, il n’y a plus de place pour la pensée. A l’efficience, les strates administratives se sont empilées, détournant les professionnels, tous statuts confondus, de la clinique. Pire, leurs savoirs, tant théoriques qu’expérientiels, sont constamment remis en cause pour se plier à de nouvelles injonctions.
La politique de secteur détermine seule l’accès libre aux soins et permet la diversité des pratiques. Le morcellement de la réflexion n’est pas un avantage mais un empêchement de penser qui profite au business mais pas au patient.
L’USP ne se satisfait pas de l’annonce par le président Macron d’Assises de la psychiatrie et de la santé mentale avant l’été, mais demande l’élaboration d’une loi cadre pour la psychiatrie, élaborée dans la durée par les professionnels de la discipline, les usagers, les familles et le pouvoir législatif.
Le 21 janvier, l’USP appelle à une mobilisation massive, par la grève ou toute autre forme de manifestation, pour dire NON au Ségur et aux politiques destructrices de l’hôpital public.
Face à ce pouvoir écrasant, la lutte est plus que jamais nécessaire et indispensable !
Delphine Glachant, présidente