Est-ce le rôle de l’État de prescrire les modalités des soins psychiques ?- Mobilisation le 10 juin 2021
Si nous ne contestons pas d’avoir, en tant que professionnels du service public, des comptes à rendre quant à la manière de disposer de l’argent public dévolu aux soins psychiatriques, nous entendons bien garder notre liberté de prescriptions. Il en va de notre autonomie professionnelle.
Déjà nous avions dû faire avec la question de l’éducation thérapeutique introduite dans la loi HPST, objet de subversion possible. Les patients n’ont pas à être éduqués. Notre travail consiste justement à leur ouvrir des portes de compréhension de leur souffrance, tenter de trouver avec eux du sens à leurs symptômes, les décrypter, les inscrire dans leur histoire personnelle, sociale, familiale, transgénérationnelle et non pas à les remodeler, les conformer aux normes.
Depuis plusieurs mois, le gouvernement est passé à un stade supérieur d’objectivation de la souffrance psychique en validant le dogme des neurosciences et en interdisant toute autre approche.
En choisissant de souscrire à l’hypothèse étiologique neuro-développementale d’un certain nombre de troubles des enfants (autismes, hyperactivité, troubles de l’attention, dyslexies, tics…) et en organisant de façon autoritaire leurs prises en charge vers des plateformes d’orientation spécifiques où seuls ne pourront être prescrits des soins se référant aux thérapies cognitivo-comportementales, le gouvernement choisit d’écarter toute autre approche, psychodynamique, systémique, phénoménologique… Une psychiatrie d’État s’installe pour les enfants, les adultes de demain.
Et pour cela, le gouvernement a choisi de s’attaquer aux psychologues par l’arrêté du 10 mars 2021, lequel définit leurs obligations de formations et de pratiques auprès de ces enfants.
Au-delà de ces professionnels, que le pouvoir s’entend contrôler également par un projet de loi visant la création d’un ordre des psychologues, ce sont l’ensemble des professionnels du soin psychique qui vont passer sous contrôle de l’État. Les psychiatres deviendront des donneurs d’ordre auxquels les psychologues n’auront qu’à se soumettre. Et que dire de ces familles et ces enfants qui n’auront d’autre choix que d’entrer dans ces cases ?
Les psychologues, dont le titre de psychothérapeute est déjà bordé par l’amendement Accoyer depuis 2009, voient leurs formations universitaires tronquées par une emprise de plus en plus importante des théories comportementalistes.
Nous pensons important et nécessaire que le pluralisme des formations reste la règle dans les départements universitaires de psychologie permettant un pluralisme des pratiques.
Nous pensons que les psychologues doivent avoir une formation clinique garantie, passant au minimum par des stages cliniques dans leur 3e cycle, voire par une année supplémentaire de pratique clinique dans les services publics et dans les cabinets de consultation.
Nous demandons à ce que des psychologues soient massivement embauchés dans les CMP, sous contrat pérenne, afin de répondre aux demandes exponentielles de soins psychiques de la population.
Nous refusons de devenir des prescripteurs de psychothérapies faites par les psychologues, mais demandons à travailler en lien avec eux, pour soutenir des réflexions cliniques mutuelles.
Nous appelons à la mobilisation le 10 juin 2021 pour soutenir les psychologues dans leurs revendications mais au-delà de ces incontournables revendications, nous appelons à des soins psychiques accessibles à tous, dans le service public et dans le dispositif de la psychiatrie de secteur, sans hégémonie ni exclusivité d’une approche.
Laissons travaillez les professionnels du soin psychique !
Delphine Glachant, présidente