Le Printemps de la psychiatrie a pris connaissance de la lettre faite par l’ensemble des patients du pavillon Moreau de l’Unité pour Malades Difficiles de Cadillac en date du 29 aout 2022 intitulée « manque de personnel soignant sur l’unité Moreau, altérant les libertés individuelles ainsi que la qualité des soins ».
Cet écrit adressé aux tutelles et au Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté fait écho aux difficultés majeures et insoutenables que traversent les patients hospitalisés en psychiatrie du fait de manque de personnels et d’équipes instables.
Les dix-huit signataires de cette lettre expliquent l’importance d’un climat de confiance pour des soins portés sur la relation thérapeutique :
« les relations entre personnels et patients doivent être d’être impérativement harmonieuses. Cela se dégrade depuis un certain temps (…) Depuis plusieurs mois, voire des années, nous remarquons, en tant que patients, une diminution importante de notre liberté et d’une prise en charge des soins dégradée (…) Dans l’application des soins médicamenteux et thérapeutiques, nous les patients avons un besoin crucial de garder une équipe soignante stable, qui nous connait, pour une prise en charge de qualité. »
Partout, les discontinuités engendrées par les pénuries de la psychiatrie publique sont devenues la norme. Discontinuité des professionnels à laquelle répond la discontinuité des soins comme les activités et les sorties thérapeutiques, tous ces éléments fondamentaux pour les soins en psychiatrie et particulièrement en unité pour malades difficiles.
Les signataires témoignent que :
« Toutes ces diverses problématiques portent atteintes aux libertés individuelles, nous cloitrant dans un enfermement et avec une prise en charge thérapeutique minimale. »
Le constat des dix-huit patients de cette unité rejoint le vécu trop souvent silencié des dizaines de milliers de personnes hospitalisées en psychiatrie partout en France.
Dans tous les services, les patients se rendent parfaitement compte des conditions de travail exécrables des personnels, des conditions de soins lamentables pour eux. Cela donne souvent lieu à des échanges. Les patients n’osent parfois même plus demander quoi que ce soit, de peur de déranger. Et face à cela, les personnels se sentent coupables de ne plus pouvoir faire leur travail correctement.
Que cela se traduise par un enfermement renforcé ou par une errance dans des lieux inhabités, les psychiatrisés, patients, usagers, sont les premiers témoins et les premières victimes de l’effondrement de la psychiatrie publique.
Car sans mise en question des pénuries organisées et entretenues par les pouvoirs publiques, (pénurie du sens des soins en psychiatrie, pénurie de professionnels, pénurie des savoirs faire avec les troubles psychiques les plus graves) ne reste plus que l’enfermement, les contraintes et les diverses camisoles physiques et chimiques pour les patients les plus en souffrance, celles et ceux qui ne s’adaptent pas aux marchés des applications de la e-santé mentale.
Le Printemps de la psychiatrie donne son plein soutien aux patients de Cadillac et à tous les autres qui souffrent des mêmes situations.
Nous appelons les premiers concernés à faire entendre leur voix, à témoigner de ce qu’ils vivent réellement pour faire contre-point au discours de déni des tutelles et aux pratiques creuses des lobbys dominant de la santé mentale.
Le Printemps de la psychiatrie dénonce ce système de maltraitance généralisée et sa banalisation. Il exige des mesures d’urgence : remédier à la déliquescence de soins psychiatriques dignes et respectueux des psychiatrisés et traiter l’hémorragie des professionnels de la psychiatrie publique.
La prise en compte de la parole des premiers concernés, le renforcement d’équipes pluridisciplinaires formées sont les préalables afin de retrouver une capacité à soigner les personnes en souffrance psychique à partir de leurs besoins fondamentaux et non contre eux.