A l’attention de M. François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention
Monsieur le ministre,
L’Union Syndicale de la Psychiatrie dépose un préavis de grève nationale pour la journée du 20 juin 2023. Ce préavis concerne tous les personnels médicaux, quel que soit leur mode d’exercice en psychiatrie. Et rejoint le préavis déposé par la majorité des syndicats de la fonction hospitalière.
Depuis plusieurs mois maintenant, l’USP s’alarme de la crise que traverse la psychiatrie dans son ensemble. Cette discipline est sous-dotée de façon chronique depuis de nombreuses années. Ceci ne rend plus possible de proposer des soins de qualité, car l’exercice actuel s’apparente à une « psychiatrie d’urgence » en permanence, au détriment d’un exercice mettant au centre de notre pratique la relation avec le patient.
Cette dégradation que nous constatons impacte les services d’hospitalisation comme la partie ambulatoire (CMP, CATTP, hôpitaux de jour et toute structure d’accueil publique sur le secteur).
Nous constatons également une désertification de la profession, par le départ de professionnels tous statuts confondus : médicaux, paramédicaux et soignants. Ceci engendre des fermetures en nombre dans de nombreux hôpitaux du territoire, accentuant la difficulté croissante de l’accès aux soins pour tous. L’apparition de « zones blanches », encore appelées « déserts médicaux », n’épargne pas la spécialité qu’est la nôtre.
L’USP demande la mise en place d’une politique à l’écoute des acteurs de terrain œuvrant dans le monde de la psychiatrie et consistant en différentes mesures :
– Changement de la gouvernance actuelle en remettant au cœur du fonctionnement hospitalier non pas l’administration, qui doit être le soutien des projets, mais plutôt l’élaboration par les acteurs de soin eux-mêmes des projets médicaux-sociaux.
– Recrutement et attractivité des carrières à réévaluer
Pour cela, plusieurs actions urgentes doivent être entreprises :
– Abolition de la Loi HPST afin de quitter définitivement la dynamique de l’hôpital entreprise.
– Obtention de moyens financiers conséquents et, pour cela, une sortie des enveloppes fermées ONDAM, qui restent inexorablement en deçà de l’inflation ce qui maintient les hôpitaux dans un déficit programmé pervers.
Par ailleurs, l’USP exige toujours l’arrêt de toutes fermetures d’établissements, de services et de lits, avec réouverture de lits et de places autant que de besoin.
Actuellement, il n’est plus possible d’accueillir des patients en souffrance et il est régulièrement nécessaire de prononcer des sorties prématurées de patients pour en admettre d’autres. Nous constatons une augmentation des patients en attente aux urgences des hôpitaux, restant sur des brancards des heures, voire des jours. Cette attente majore particulièrement les troubles ayant présidés aux admissions, avec pour corollaire un recours, par défaut de personnel, aux isolements et contentions et une inflation de mesures d’hospitalisation sans consentement. Ces escalades symptomatiques sont des facteurs de stress supplémentaires pour les équipes des urgences, déjà en souffrance, mais aussi pour les équipes des services d’admission de psychiatrie où dès lors, le nouage de la relation thérapeutique est de plus en plus difficile.
L’USP exige également des mesures garantissant l’accès, la proximité et l’égalité de la prise en soins pour la population de tout le territoire.
L’USP estime que le président de le République n’a pas répondu aux attentes des professionnels lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Rien n’a été fait pour venir à bout de l’aliénation sociale, dont on sait cependant le rôle majeur et prépondérant dans l’émergence des troubles psychiques des citoyens. C’est au prix d’une politique forte dans ce sens que les souffrances individuelles pourront être enrayées.
Dans son souhait de soutenir une psychiatrie de secteur vivante, et de nature humaniste au service de tous quel que soit son lieu de vie, l’USP vous demande :
- L’arrêt de toute urgence de la privatisation de la psychiatrie et de la santé plus largement.
- L’arrêt d’une politique de soins ou « l’appel à projet » est le seul objectif de l’innovation, laissant alors de côté la vraie mission de la psychiatrie qui est d’accompagner le patient dans son histoire, dans sa maladie et dans sa singularité.
- L’arrêt du financement actuel de la psychiatrie qui introduit notamment le compartiment à l’activité venant modifier le travail clinique suivant des critères budgétaire au profit d’une dotation à l’habitant.
- L’arrêt d’une politique à l’intéressement suivant le modèle néolibéral et les notions qu’il porte (efficience, bench-marking…)
- L’arrêt de l’inégalité d’accès aux soins par une politique répondant enfin aux constats des acteurs de terrain.
- L’arrêt des refontes successives et sans fin de la loi concernant l’irresponsabilité pénale où punissabilité des patients va toujours plus loin
L’USP appelle donc le 20 juin 2023 à l’unité nationale pour sauver la psychiatrie publique et plus largement le service public de santé.
A ce jour, le constat d’une volonté néolibérale est celui d’un effondrement généralisé du système de santé vers lequel nous allons, sans que ne soit entendue la voix de ceux qui en sont les acteurs, ni de ceux qui en sont les bénéficiaires. Une politique voulue de précarisation, de segmentation de la population, des menaces envers les plus défavorisés est une traduction du déni de démocratie sans précédent sous l’actuelle République. Nos patients sont les premiers touchés. Ils sont les premiers en réelle difficulté pour trouver des lieux de soins accessibles, accueillants et au personnel disponible selon l’éthique de la psychiatrie et de la médecine.
Monsieur le ministre et cher collègue, l’USP vous demande que la destruction s’arrête. Un dialogue de vérité et sans langue de bois doit s’engager sans délais.
L’USP exige qu’un plan d’une ampleur exceptionnelle soit mis en place pour sauver le service public de santé, sans oublier le médico-social, de l’anéantissement dont nous approchons chaque jours un peu plus et inexorablement.
Veuillez accepter, Monsieur le ministre, nos salutations syndicales.
Charles-Olivier Pons, président Delphine Glachant, vice-présidente