Alors que les praticiens hospitaliers sont en grève les 3 et 4 juillet, les mesures ubuesques nuisant gravement à la psychiatrie publique et à l’attractivité des carrières continuent à cheminer…
L’USP a analysé pour vous l’arrêté du 30 mars 2023.
Le décret du 29 septembre 2021 sur la « réforme du financement des activités de psychiatrie », bavard et touffu, prévoyait de nombreux arrêtés.
Celui du 30 mars 2023 traite de la file active et du codage, dans un style technocratique et obsessionnel qui confine à la poésie si tant est que l’on soit sensible à l’absurde bureaucratique.
Avant d’entrer dans les détails, où gît le diable, rappelons des éléments de contexte importants :
– La dotation pour la psychiatrie compte 8 compartiments, avec 85 % pour le « géo populationnel », 10-15 % pour l’activité et moins de 1 % pour le codage.
– L’enveloppe globale est fermée puisque définie par l’ONDAM.
– Le directeur de l’ARS dispose d’une marge de manœuvre puisqu’il peut constituer une « enveloppe régionale de contractualisation » sur la dotation populationnelle régionale et la répartir à sa guise, quel que soit le degré de raffinement des comptes rendus par les établissements assurant l’activité en psychiatrie1.
Que nous montre l’arrêté de mars 2023 ?
– Le délire obsessionnel continue, avec sa liste d’indicateurs, de « pondérations forfaitaires », et de « suppléments », cumulables entre eux, dont les conditions d’application sont longuement détaillées, et diffèrent bien sûr des précédents recueils, ce qui empêchera une fois de plus des comparaisons diachroniques.
– Une incitation aux soins sans consentement, puisque ceux-ci sont valorisés par des « forfaits » et des « suppléments ». Ces sommes sont différentes suivant le mode administratif de la mesure, et plus importantes si la mesure vient du préfet, ce qui va bien avec la vision sécuritaire de la psychiatrie.
Mais cela est en contradiction totale avec la volonté affichée de diminuer les mesures d’isolement et de contention (pour lesquelles, en psychiatrie, il faut obligatoirement être en soins sous contrainte). On aurait pu s’attendre au contraire à une pénalisation des mesures de soins sous contrainte (au passage les soins sous contrainte sont listés comme possibles en « centre de postcure psychiatrique » ?).
– La « séance de sismothérapie » est aussi valorisée, en hospitalisation temps partiel de jour, ce qui lui confère une visibilité dont elle n’avait pas besoin.
– L’article 4 s’intéresse au codage et comprend la « présence du diagnostic principal ». Cette insistance rappelle l’échec des tentatives longues et répétées pour faire du diagnostic psychiatrique un indicateur budgétaire, alors qu’il a été démontré qu’il n’y avait aucun rapport entre diagnostic psychiatrique et coût1,2.
Si une pression s’exerce à nouveau sur les psychiatres pour le codage diagnostique, il est facile de pronostiquer que cela va encore dégrader la qualité de ce codage.
Et enfin, ce texte prévoit, élément à la fois anecdotique et très signifiant politiquement, que le « coefficient géronto psychiatrique » s’applique à partir de… 64 ans !
1. Gekiere Claire « Les nouveaux comptes de la psychiatrie », Pratiques n° 95, octobre 2021, p20-22.
2. Gekiere Claire « Valeur marchande du diagnostic », Sud/Nord, 2009/1, n°23, p29-36.
Dr Claire GEKIERE Dr Charles Olivier PONS
secrétaire adjoint de l’USP président de l’USP